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PAR ANTOINE VADE. 233

feudataire d'un druide ultramontain, vous m'avouerez qu'elle s'en est bien vengée : tâchez de l'imiter si vous pouvez.

Vous eûtes autrefois un roi^ qui, quoique malheureux dans tous ses desseins et dans toutes ses expéditions, est pourtant recom- mandahle pour vous avoir appris à lire et à écrire ; il fit même venir d'Italie des gens qui vous enseignèrent le grec, et d'autres qui vous apprirent à dessiner et à tailler une figure en pierre ; mais il se passa plus de cent années avant que vous eussiez un bon peintre et un bon sculpteur, et pour ceux qui apprirent le grec, et même l'hébreu, on les brûla presque tous, parce qu'ils étaient soupçonnés de lire l'original de quelques livres judaïques, ce qui est bien dangereux.

Je veux bien convenir avec vous, mes chers Welches, que votre pays est la première contrée de l'univers : cependant vous ne possédez pas le plus grand domaine dans la plus petite des quatre parties du monde. Considérez que l'Espagne est un peu plus étendue, que rAlIcmagne l'est bien davantage, que la Pologne et la Suède sont plus grandes, et qu'il y a des provinces en Russie dont le pays des Welches ne ferait pas la quatrième partie.

Je souhaite que vous soyez le premier royaume de l'univers par la fertilité de votre terrain ; mais, de grâce, songez à vos qua- rante lieues de landes vers Cordeaux, à cette partie de votre Cham- pagne que vous avez nommée si noi)lement pouilleuse, à des provinces entières où le peuple ne se nourrit que de châtaignes, à d'autres où il n'a guère que du pain d'avoine. Remarquez bien la défense qui vous est faite de sortir les blés de votre pays, défense fondée nécessairement sur votre disette, et peut-être encore sur votre caractère, qui vous porterait à vendre au plus vite tout ce que vous avez pour le racheter fort cher trois mois après, semblables en cela à certains habitants de l'Amérique ^ qui vendent leur lit le matin, oubliant qu'ils voudront se coucher le soir.

D'ailleurs la dépense que la plus brillante partie de la nation fait en fine farine pour poudrer ses têtes, soit que vous soyez coitïés à l'oiseau royal , soit que vous portiez vos cheveux étalés comme Clodion et les conseillers de la cour, cette dépense est si universelle qu'on fait très-bien d'empêcher de porter à l'étranger une denrée dont vous faites un si bel usage.

Premier peuple de l'univers, songez que vous avez dans votre

1. François F"" ; voyez tome XII, page 250.

2. Les Caraïbes.

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