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PAR ANTOINE VADÉ. 231

pèce humaine subsiste parmi vous comme un témoignage de votre sagesse.

Une partie de vos autres provinces, que vous appelâtes si longtemps les provinces d'Oc, et que vous distinguâtes si noble- ment des provinces de Oui, furent envahies par les Visigoths; et quant à vos provinces de Oui, elles vous furent prises par un Sicaml)re nommé Hildovic^ dont les grands-pères avaient été condamnés aux hôtes â Trêves par l'empereur Constantin. Ce Sicamhre, honoré du titre de patrice romain, vous réduisit en servitude avec une poignée de Francs sortis des marais du Rhin, du Mein, et de la Meuse. Les belles expéditions de ce grand homme furent d'assassiner trois roitelets, ses parents et ses amis, l'un vers le l)ourg de Boulogne-sur-Mer, l'autre vers le village de Cambrai, et le troisième vers le village du Mans, que vos chro- niques appellent villes: ce fut alors que la contrée des Welches porta le nom mélodieux de Frankreich-, ancien nom de la France, en commémoration de ses vainqueurs, et vous fûtes la première nation de l'univers, car vous aviez l'oriflamme â Saint-Denis.

Des pirates du Nord vinrent quelque temps après vous mettre à rançon, et vous prirent la province qu'on nomma depuis Nor- mandie. Vous fûtes ensuite divisés en plusieurs petites nations sous différents maîtres, et chaque nation avait ses lois particu- lières comme son jargon.

La moitié de votre pays appartint bientôt aux peuples de l'Ile appelée Britain, ou England dans leur idiome, qui était aussi harmonieux que le vôtre. La Normandie, la Bretagne, l'Anjou, le Maine, le Poitou, la Saintonge, la Guienne, la Gascogne, l'Angou- mois, le Périgord, le Rouergue, l'Auvergne, furent longtemps entre les mains de cette nation des Angles, tandis que vous n'aviez ni Lyon, ni Marseille, ni le Dauphiné, ni la Provence, ni le Languedoc.

Malgré cet état misérable, vos compilateurs, que vous prenez pour des historiens, vous appellent souvent le premier jmiplo de l'univers, et votre royaume le premier royaume. Cela n'est pas civil pour les autres nations. Vous êtes un peuple brillant et aimable, et si vous joignez la modestie à vos grâces, le reste de l'Europe sera fort content de vous.

Remerciez bien Dieu de ce que les divisions de la rose rouge et de la rose blanche vous délivrèrent des Angles, et remercicz-le

��\. Clovis. {Note de Voltaire.) 2. Nom allemand de la France.

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