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224 RÉPONSE

Cornélie dit au cinquième acte S en tenant l'urne de Pompée dans ses mains :

N'attendez point de moi de regrets ni de larmes;

Un grand cœur à ses maux applique d'autres charmes;

Les faibles déplaisirs s'amusent à parler,

Et quiconque se plaint cherche à se consoler.

Il est vrai qu'en général on ne doit point dire de soi qu'on a un grand cœur; il est vrai qu'aujourd'hui on n'applique point de charmes à des maux ; il est encore vrai que, quand on parle assez longtemps, on ne doit point dire que les faibles déplaisirs s'amu- sent à parler. Mais voici ce qui m'a déterminé à ne point criti- quer ces vers : il m'a paru que Cornélie s'impose ici le devoir de montrer un grand cœur, plutôt qu'elle ne se vante d'en avoir un.

Appliquer des charmes à des maux m'a paru bien, parce que, dans ces temps-là, ce qu'on appelait charmes, la magie, était extrêmement en vogue, et que même Sextus Pompée, fils de Cornélie, fut très-connu pour avoir employé les prétendus secrets des sortilèges. Les faibles déplaisirs s'amusent à parler semble signifier ici : s'amusent à se plaindre, et Cornélie s'excite à la vengeance.

Je n'ai point repris ces vers - :

Mettant leur haine bas, me sauvent aujourd'hui, Par la moitié qu'en terre il a reçu de lui.

Je conviens avec vous qu'ils sont mauvais ; mais, ayant déjà remarqué la même faute dans Polyeucte^, je n'ai pas cru devoir y revenir dans les notes sur Pompée.

Si vous me reprochez trop d'indulgence, vous savez que d'autres ont trouvé dans mes remarques trop de sévérité ; mais je vous assure que je n'ai songé ni à être indulgent, ni à être dif- ficile. J'ai examiné les ouvrages que je commentais, sans égard ni au temps où ils ont été faits, ni au nom qu'ils portent, ni à la nation dont est l'auteur. Quiconque cherche la vérité ne doit

1. Scène i.

2. Voltaire a critiqué, dans le Commentaire, le premier hémistiche du pre- mier des deux vers qu'il cite ici.

3. Voltaire veut sans doute parler des vers 7 et 8 de la scène i de l'acte V de Polyeucte; mais ces vers de Polyeucte n'ont que la rime de commun avec ceux de Pompée. Il se pourrait que la Réponse à un académicien ait été écrite avant l'im- pression du Commentaire, et que Voltaire ait fait quelque suppression à son travail. (B.)

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