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DE LA GAZETTE LITTÉRAIRE. 213

fréquentes. Le maréchal de Saxe l'a dite sans détour dans une lettre écrite quelque temps après la journée de Fontenoy ; et ce qu'il dit est assez prouvé par les arrangements qu'il avait pris pour cette bataille.

Ce qu'il est très-nécessaire d'observer, c'est que cette fatale journée d'Azincourt ne produisit rien du tout. Henri V repassa en Angleterre, et ne reparut en France que deux ans après; encore ne put-il s'y présenter qu'avec vingt-cinq mille hommes. Aussi ce ne fut point la bataille d'Azincourt qui fit proclamer Henri V roi de France, à moins qu'on ne dise que la terreur qu'il inspira par cette victoire lui aplanit le chemin du trône.

Un événement encore plus singulier que la défaite d'Azincourt est celui de la Pucelle d'Orléans. Mézerai, dans sa grande Histoire, dit que saint Michel, le prince de la milice céleste, apparut à cette fille; mais dans son Abrégé, mieux fait que sa grande Histoire, il se contente de dire que « Jeanne assurait avoir commission expresse de Dieu de secourir la ville d'Orléans, et puis de faire sacrer le roi à Reims, étant, disait-elle, sollicitée à cela par de fréquentes apparitions des anges et des saints ».

Le jésuite Daniel fait entendre que Dieu opéra des miracles dans cette fille ; mais il ajoute ensuite : « Je ne voudrais pas cau- tionner généralement la vérité de ses prophéties, qui ne se trou- vèrent pas toutes véritables, parce que les prophéties ne parlent pas toujours en prophètes. »

De pareilles distinctions ne sont guère admises que dans les disputes sur les bancs de l'école.

Il n'est pas permis d'écrire ainsi l'histoire. Il y a une contra- diction manifeste à dire que quand on fait des prophéties on ne parle pas en prophète. Si une personne qui se dit inspirée prédit de la part de Dieu des choses qui n'arrivent point, il est évident qu'elle n'est point inspirée. Les Anglais accusèrent la Pucelle d'avoir été conduite par le diable; mais il paraît que ni Dieu ni le diable n'employèrent aucun moyen surnaturel dans toute cette aventure. Il y a eu souvent de pieuses fraudes ; il y en a eu d'héroïques : celle de Jeanne d'Arc est de ce dernier genre.

Il faut lire attentivement la dissertation de Rapin Thoiras sur la Pucelle d'Orléans, à la fin du règne de Henri V. C'est un mor- ceau très-curieux et sagement écrit, sans lequel il serait difficile d'avoir des notions exactes de cet étrange événement *.

��1. Voyez Jeanne d'Arc, ou Coup d'œil sur les révolutions de France au temps de Charles VI et de Charles VII, et surtout de la Pucelle d'Orléans, par M. Ber-

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