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242 ARTICLES EXTRAITS

écrivains, et M. Hume lui-même, disent que les Français furent punis de leur témérité à la bataille d'Azincourt comme à celles de Grécy et de Poitiers.

On peut demander où était la témérité de combattre avec des forces très-supérieures une faible armée, fatiguée d'une longue marclie, et dans laquelle régnait la dyssenterie. Il n'y eut assu- rément rien de téméraire chez les Français dans aucune de ces trois batailles. S'il y eut de la témérité, elle fut dans les Anglais, qui osèrent combattre à la journée d'Azincourt, et attaquer les premiers une armée quatre fois plus forte que la leur.

Le terrain était fangeux, dit-on, et la cavalerie française en- fonçait jusqu'aux jarrets dans la terre détrempée par les pluies; mais les chevaux anglais enfonçaient-ils moins dans ce terrain? On ajoute que les archers anglais étaient plus exercés et avaient de meilleurs arcs : c'est une chose très-problématique, et les flèches des Français étaient en plus grand nombre que les flèches anglaises.

On nous dit que l'infanterie française n'était composée que de nouvelles milices ; mais l'infanterie anglaise était composée de même. Les Actes de Rymer nous apprennent qu'elle fut levée à la hâte, et que Henri V faisait des conventions avec les seigneurs terriens pour lui fournir des soldats.

On prétend que la principale cause de la déroute vint de deux cents arbalôtiers anglais cachés à la droite de la gendarmerie française ; ils se levèrent tout à coup, et mirent cette gendarmerie dans le plus grand désordre. Mais si l'armée française était si bien appuyée par une rivière à droite et par un bois à gauche, comment ces deux cents arlialêtiers purent-ils prendre l'armée en flanc? comment un corps de vingt mille gendarmes fut-il dé- fait par deux cents archers?

Le nouvel auteur de VHistoire de France avoue que la plupart des Anglais combattaient nus de la ceinture en bas. La raison en est, selon les historiens anglais, que les soldats de Henri V, atta- qués de la dyssenterie, étaient obligés de soulager la nature en combattant. Il n'est guère possible que toute une armée ait com- battu dans un tel état et qu'elle ait été pleinement victorieuse. Quelques soldats peut-être auront été réduits à cette nécessité, et on aura exagéré leur nombre.

Enfin la bataille fut entièrement perdue, et le plus grand nombre s'enfuit devant le plus petit, ce qui n'est arrivé que trop souvent. L'auteur éclairé qui nous donne cette nouvelle Histoire de France paraît avoir très-bien senti la raison de ces calamités

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