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(( Comedia famosa, fameuse Comédie, » ce qui prouve qu’elles furent très-applaudies dans leur temps ^ Toutes les pièces de théâtre étaient alors appelées comédies. On est étonné que Mme de Sévigné, dans ses lettres, dise qu’elle est allée à la comédie d'Andromaque, à la comédie de Bajazet ; elle se conformait à l’ancien usage. Scudéri, dans sa Critique du Cid, dit : « Le Cid est une comédie espagnole dont presque tout l’ordre, les scènes, et les pensées de la française, sont tirées, etc. »

Nous ne dirons rien ici de la fameuse comédie de don Fernando de Zarate ; il n’a point traité le sujet du Cid et de Chimène : la scène est dans une ville des Maures ; c’est un amas de prouesses de chevalerie.

Pour le Cid honorateur de son père, de don Juan Bautista Diamante, on la croit antérieure à celle de Guillem de Castro de quelques années ^ Cet ouvrage est très-rare, et il n’y en a peut-être pas aujourd’hui trois exemplaires en Espagne.

Les personnages sont don Rodrigue, Chimène; don Diègue, père de don Rodrigue ; le comte Lozano, le roi don Fernand, l’infante dona Urraca; Elvira, confidente de Chimène ; un criado de Ximena; don Sancho, qui joue à peu près le même rôle que le don Sanche de Corneille; et enfin unhouffon qu’on appelle Nuno, gracioso.

On a déjà dit ailleurs ’ que ces bouffons jouaient presque toujours un grand rôle dans les ouvrages dramatiques duxvi*et du xvii" siècle, excepté en Italie. Il n’y a guère d’ancienne tragédie espagnole ou anglaise dans laquelle il n’y ait un plaisant de profession, une espèce de Gilles. On a remarqué* que cette honteuse coutume venait de la plupart des cours de l’Europe, dans lesquelles il y avait toujours un fou à titre d’office. Les plaisirs de l'esprit demandent de la culture dans l’esprit, et alors l’extrême ignorance ne permettait que des plaisirs grossiers. C’était insulter à la nature humaine de penser qu’on ne pouvait se sauver de l’ennui qu’en prenant des insensés à ses gages. Le fou qui fait un personnage dans le Cid espagnol y est aussi déplacé que les fous l’étaient à la cour.

Don Sanche vient annoncer au roi Ferdinand que le comte

1. En ce temps, toute comédie était intitulée Comédie fameuse; il n’y a rien à conclure de cette épithète.

2. Diamante, contemporain de Corneille, imita l’auteur français au lieu d’être imité par lui.

3. Dans le Commentaire sur les OEuvres de Corneille.

4. Ibid.