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DE LA GAZETTE LITTÉRAIRE. 191

italienne des entraves de la rime, ranima le premier, ou plutôt renouvela le drame ainsi que l'épopée. La pièce qu'il publia sons le titre de Sophonisbe , en 152/t, et non en 1529 comme l'a annoncé Crescimbeni, est le premier ouvrage de théâtre que les Italiens aient regardé comme une vraie tragédie. Peu de temps après, Rucellai donna sa Rosmimde et son Orcste; le Speroni, sa Canacc, etc. ■ mais toutes ces pièces, froidement modelées sur celles des (Irccs, ne ressemblent pas plus aux drames de Sophocle et d'Euri- pide que ne ressemblerait à l'Apollon du Belvédère une statue à laquelle on s'attacherait à donner les mêmes proportions, sans se mettre en peine du caractère, de l'expression, et de la vie. Elles servent uniquement à prouver que leurs auteurs connurent très-bien les règles de la tragédie ancienne ; et cela même doit nous faire sentir le cas qu'il faut faire des règles, puisque ce n'est point assurément d'après eux qu'on se serait jamais avisé d'en prescrire. L'Italien ne put s'accommoder d'un genre d'ouvrages où l'on ne lui présentait que des actions et des mœurs étrangères qui n'étaient pas même liées aux siennes. D'ailleurs son caractère semblait pencher beaucoup plus vers la plaisanterie et la mali- gnité du genre comique que vers l'austère majesté de la tragédie. Les mascarades, les improvisements, les comédies espagnoles, et surtout les drames lyriques, ou, pour nous servir de l'expression des Italiens, les mélodrames, achevèrent d'étouffer la bonne tra- gédie. Il y avait près d'un siècle que le goût en était entièrement éteint lorsque Pierre Martelli crut le ranimer en substituant aux intrigues bizarres et romanesques que les Italiens avaient empruntées des Espagnols on ne sait trop quels procédés de la tragédie française; mais il ne fut pas plus heureux que ne l'avaient été les premiers poètes de sa nation lorsqu'ils essayèrent de transporter à leur thécàtre la manière des Grecs i. Gravina écrivit dans le même temps sur les principes de l'art en homme de génie, et fit des tragédies pitoyables. La véritable époque du

1. Le même auteur, persuadé qu'il n'était possible d'exprimer d'une manière tragique les caractères et les actions des héros qu'en employant notre vers alexandrin, des deux vers italiens de sept syllabes n'en fit qu'un seul qu'il .unit au vers suivant par le moyen de la rime ; ces nouveaux vers furent appelés martelliens, du nom de leur auteur. Mais Martelli ne fît pas attention que les ïimes masculines et féminines du vers français produisaient une variété dont sa langue, composée de mots toujours terminés par des voyelles, ne la rendaient point susceptible, et qu'en supposant que la noblesse et la majesté du vers auraient suppléé cette variété, la césure ou le repos établi constamment à la septième syllabe, et la longueur extrême du vers, ne pouvaient plaire aux oreilles ita- liennes. (Note des auteurs de la Gazelle littéraire.)

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