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DE LA GAZETTE LITTÉRAIRE. 189

Je ne te verrais pas, armée d'un fer étranger, combattre avec le bras de tes ennemis, pour être toujours esclave ou par ta victoire, ou par ta défaite.

Je m'en rapporte à tous les gens de lettres italiens qui seront de bonne foi. Qu'ils comparent les prologues de tous les chants de l'Arioste avec ce qu'ils aiment le mieux dans Pétrarque, et qu'ils jugent dans le fond de leur cœur si la différence n'est pas immense ; mais, chez toutes les nations, il faut que l'antiquité l'emporte sur le moderne, jusqu'à ce que le moderne soit devenu antique à son tour. On se fait dans les siècles les plus pohs une espèce de religion d'admirer ce qu'on admirait dans les siècles grossiers.

Personne ne niera que Pétrarque n'ait rendu de grands ser- vices à la poésie italienne, et qu'elle n'ait acquis sous sa plume de la facilité, de la pureté, de l'élégance ; mais y a-t-il rien qui approche de Tibulle et d'Ovide? Quel morceau de Pétrarque peut être comparé à l'ode de Sapho sur l'amour, si bien traduite par Horace, par Boileau, et par Addison ? Pétrarque, après tout, n'a peut-être d'autre mérite que d'avoir pcrit élégamment des bagatelles, sans génie, dans un temps où ces amusements étaient très-estimés, parce qu'ils étaient très-rares. Il importe fort peu qu'une Laure feinte ou véritable ait été l'objet de tant de sonnets; il est assez vraisemblable que Laure était ce que Boileau appelle une Iris en l'air ^. Un évêque de Lombez, chez qui Pétrarque de- meura longtemps, lui écrit : « Votre Laure n'est qu'un fantôme d'imagination sur lequel vous exercez votre muse. » Pétrarque lui répond : « Mon père, je suis véritablement amoureux. » Cela prouve qu'alors on appelait les ôvêques pères; mais cela ne prouve pas plus que la maîtresse de Pétrarque s'appelait Laure en effet que les charmants madrigaux de feu M. Ferrand ne prouvent que sa maîtresse s'appelait Thémire K

��1. Sat. X, vers 262.

2. On peut voir, tome XXIII, page 376, un des madrigaux de Ferrand sur Thémire.

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