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468 ARTICLES EXTRAITS

Londres et des circonstances. Mais M. Churchill a répandu dans ces morceaux des heautés qui sont de tous les temps ; sa poésie est pleine de verve, de chaleur et d'énergie : il ne se contente pas de poursuivre les vices et les ridicules des particuliers, il attaque avec la même hardiesse et la même force les vices de son siècle et de sa nation. M. Cliurchill passe pour un des plus grands poètes, et peut-être pour le premier des poètes satiriques que l'Angleterre ait produits. Il ressemhle moins à Pope qu'à Dryden, qu'il paraît aussi avoir plus étudié. Il n'est pas aussi pur, aussi correct que Pope, mais il a plus d'originalité dans sa manière ; et son style, quoique avec une élégance moins continue, a une har- monie plus a])ondante et plus variée. On a reproché à Pope que ses vers tombent presque toujours deux à deux, et que le sens finit à chaque couplet. M. Churchill a une marche plus libre; mais il est souvent lâche et négligé, et son style est embarrassé de parenthèses, qui, s'enchàssant les unes dans les autres, occupent quelquefois jusqu'à vingt et trente vers. Ce défaut est assez com- mun aux écrivains anglais, et dans la prose et dans les vers.

Mais ce qui nous paraît bien plus condamnable encore dans les poésies de M. Churchill, c'est Tamertume et quelquefois l'atrocité qu'il porte dans la satire: nous savons que ce genre de poésie a des bornes plus ou moins étroites, suivant la différente nature des gouvernements. La liberté d'écrire doit être plus grande partout où le peuple a quelque part à la législation. C'est une espèce de censure pul)lique qui s'accorde très-bien avec les principes de la démocratie. Voilà pourquoi, dans les premiers temps de la Grèce, la satire, qui n'était alors employée qu'au théâtre, était violente; on l'adoucit lorsque les principes de l'aris- tocratie commencèrent à l'emporter sur ceux de la démocratie. En Angleterre, il semble que la loi donne à chaque particulier le droit d'attaquer tout homme en place dans son caractère public ; mais partout la loi doit protéger la réputation et les mœurs pri- vées d'un citoyen : lorsque la loi se tait, c'est au public même à yenger les droits de la société outragée, M. Churchill nous parait avoir violé toutes les lois de la bienséance et de l'honnêteté sociale. Livré à l'esprit de parti, il prodigue la louange ou le blâme, suivant les préjugés qu'il a adoptés, Juvénal et Horace déguisaient le plus souvent les noms de ceux qu'ils perçaient de leurs traits ; M. Churchill accuse un homme de vendre son âme de boue à qui veut la imyer, et le nomme. Pope, Dryden, et d'autres satiriques anglais, se contentaient de désigner leurs victimes par les lettres initiales de leurs noms ; M. Churchill dédaigne même

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