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154 ARTICLES EXTRAITS

scopes, l'anatomie comparée, deux siècles d'observations conti- nuelles, ont été nos moyens ; nous avons ouvert quelques portes de l'édifice, mais il nous est toujours arrivé la même chose qu'à ce curieux qui, dit-on, entra dans un tombeau où brûlait une lampe sépulcrale depuis deux mille ans : il marcha sur des res- sorts qui renversèrent la lampe et l'éteignirent.

La nature s'y prend de plus d'une manière pour la génération des êtres qui végètent ou qui ont la vie; elle produit sans racines presque tous les arbres aquatiques ; elle se sert de l'union des deux sexes dans tous les quadrupèdes et les bipèdes.

Il en est d'autres qui perpétuent leur race sans aucun accouplement. C'est assez, parmi plusieurs espèces de poissons, qu'un mâle passe par-dessus les œufs d'une femelle, jetés au hasard sur le rivage, pour que ces œufs soient fécondés. On voit des reptiles vivipares, d'autres ovipares.

Il y a des vermisseaux qui se multiplient par bouture ; il y en a, comme plusieurs plantes, qu'on peut couper en plusieurs parties, et chaque partie reproduit une tête, et quelquefois une queue.

Ce que nous appelons des singularités est innombrable ; tout doit paraître prodige, parce que tout est inexplicable.

M'apprcndrez-vous jamais par quels subtils ressorts^ L'éternel artisan fait végéter les corps? Pourquoi l'aspic affreux, le tigre, la panthère, N'ont jamais adouci leur cruel caractère; Et que, reconnaissant la main qui le nourrit, Le chien meurt en léchant le maître qu'il chérit? D'oîi vient qu'avec cent pieds, qui semblent inutiles, Cet insecte tremblant traîne ses pas débiles ? Pourquoi ce ver changeant se bâtit un tombeau, S'enterre, et ressuscite avec un corps nouveau, Et, le front couronné, tout brillant d'étincelles, S'élance dans les airs en déployant ses ailes?

Platon tâcha d'expliquer le mystère de la génération par des simulacres réfléchis de la Divinité, par le nombre de trois, et par le triangle. La saine physique ne s'accommode guère de ces triangles ni de ces simulacres. Hippocrate, abandonnant cette vaine métaphysique, regarda l'union des deux sexes et le mé-

��1. Vers de Voltaire, quatrième des Discours sur l'Homme, 15-26; voyez tome IX.

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