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SUITE ET CONCLUSION.

l’équité, l’intérêt du genre humain, ont conduit tous les juges. Grâces en soient rendues à ce Dieu de clémence, qui seul inspire l’équité et toutes les vertus !

Nous attestons que nous n’avons jamais connu ni cet infortuné Calas que les huit juges de Toulouse firent périr sur les indices les plus faibles, contre les ordonnances de nos rois, et contre les lois de toutes les nations ; ni son fils Marc-Antoine, dont la mort étrange a jeté ces huit juges dans l’erreur ; ni la mère, aussi respectable que malheureuse ; ni ses innocentes filles, qui sont venues avec elle de deux cents lieues mettre leur désastre et leur vertu au pied du trône[1].

Ce Dieu sait que nous n’avons été animés que d’un esprit de justice, de vérité, et de paix, quand nous avons écrit ce que nous pensons de la tolérance, à l’occasion de Jean Calas, que l’esprit d’intolérance a fait mourir.

Nous n’avons pas cru offenser les huit juges de Toulouse en disant qu’ils se sont trompés, ainsi que tout le conseil l’a présumé : au contraire, nous leur avons ouvert une voie de se justifier devant l’Europe entière. Cette voie est d’avouer que des indices équivoques et les cris d’une multitude insensée ont surpris leur justice ; de demander pardon à la veuve, et de réparer, autant qu’il est en eux, la ruine entière d’une famille innocente, en se joignant à ceux qui la secourent dans son affliction. Ils ont fait mourir le père injustement : c’est à eux de tenir lieu de père aux enfants, supposé que ces orphelins veuillent bien recevoir d’eux une faible marque d’un très-juste repentir. Il sera beau aux juges de l’offrir, et à la famille de la refuser.

C’est surtout au sieur David, capitoul de Toulouse, s’il a été le premier persécuteur de l’innocence, à donner l’exemple des remords. Il insulta un père de famille mourant sur l’échafaud. Cette cruauté est bien inouïe ; mais puisque Dieu pardonne, les hommes doivent aussi pardonner à qui répare ses injustices.

On m’a écrit du Languedoc cette lettre du 20 février 1763.

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« Votre ouvrage sur la tolérance me paraît plein d’humanité et de vérité ; mais je crains qu’il ne fasse plus de mal que de bien à la famille des Calas. Il peut ulcérer les huit juges qui ont

  1. M. de Voltaire entend ici qu’il n’a eu d’autres liaisons avec la famille des Calas que d’avoir pris sa défense, d’avoir appuyé ses réclamations et ses plaintes. (K.)