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CAS OÙ L’INTOLÉRANCE EST DE DROIT HUMAIN.

d’une soutane, et d’être libre au lieu d’être esclave ? On réforme à la paix des régiments entiers, qui ne se plaignent pas : pourquoi les jésuites poussent-ils de si hauts cris quand on les réforme pour avoir la paix ?

Que les cordeliers, transportés d’un saint zèle pour la vierge Marie, aillent démolir l’église des jacobins, qui pensent que Marie est née dans le péché originel, on sera obligé alors de traiter les cordeliers à peu près comme les jésuites.

On en dira autant des luthériens et des calvinistes. Ils auront beau dire : Nous suivons les mouvements de notre conscience, il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes[1] ; nous sommes le vrai troupeau, nous devons exterminer les loups ; il est évident qu’alors ils sont loups eux-mêmes.

Un des plus étonnants exemples de fanatisme a été une petite secte en Danemark, dont le principe était le meilleur du monde[2]. Ces gens-là voulaient procurer le salut éternel à leurs frères ; mais les conséquences de ce principe étaient singulières. Ils savaient que tous les petits enfants qui meurent sans baptême sont damnés, et que ceux qui ont le bonheur de mourir immédiatement après avoir reçu le baptême jouissent de la gloire éternelle : ils allaient égorgeant les garçons et les filles nouvellement baptisés qu’ils pouvaient rencontrer ; c’était sans doute leur faire le plus grand bien qu’on pût leur procurer : on les préservait à la fois du péché, des misères de cette vie, et de l’enfer ; on les envoyait infailliblement au ciel. Mais ces gens charitables ne considéraient pas qu’il n’est pas permis de faire un petit mal pour un grand bien ; qu’ils n’avaient aucun droit sur la vie de ces petits enfants ; que la plupart des pères et mères sont assez charnels pour aimer mieux avoir auprès d’eux leurs fils et leurs filles que de les voir égorger pour aller en paradis, et qu’en un mot, le magistrat doit punir l’homicide, quoiqu’il soit fait à bonne intention.

Les Juifs sembleraient avoir plus de droit que personne de nous voler et de nous tuer : car bien qu’il y ait cent exemples de tolérance dans l’Ancien Testament, cependant il y a aussi quelques exemples et quelques lois de rigueur. Dieu leur a ordonné quelquefois de tuer les idolâtres, et de ne réserver que les filles nubiles : ils nous regardent comme idolâtres, et, quoique nous les tolérions aujourd’hui, ils pourraient bien, s’ils étaient les maîtres, ne laisser au monde que nos filles.

  1. Act., v, 29.
  2. Voyez tome XVII, page 547 ; et le chap. xlii de Dieu et les Hommes.