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CHAPITRE XVII.

quinze ans, déjà imbus de mauvais principes, qu’on ne peut se flatter de détruire, mon opinion est qu’il faut les châtrer tous, afin que cette engeance ne soit jamais reproduite. Pour les autres petits garçons, ils seront élevés dans vos colléges, et on les fouettera jusqu’à ce qu’ils sachent par cœur les ouvrages de Sanchez et de Molina.

4° Je pense, sauf correction, qu’il en faut faire autant à tous les luthériens d’Alsace, attendu que, dans l’année 1704, j’aperçus deux vieilles de ce pays-là qui riaient le jour de la bataille d’Hochstedt.

5° L’article des jansénistes paraîtra peut-être un peu plus embarrassant : je les crois au nombre de six millions au moins ; mais un esprit tel que le vôtre ne doit pas s’en effrayer. Je comprends parmi les jansénistes tous les parlements, qui soutiennent si indignement les libertés de l’Église gallicane. C’est à Votre Révérence de peser, avec sa prudence ordinaire, les moyens de vous soumettre tous ces esprits revêches. La conspiration des poudres n’eut pas le succès désiré, parce qu’un des conjurés eut l’indiscrétion de vouloir sauver la vie à son ami ; mais, comme vous n’avez point d’ami, le même inconvénient n’est point à craindre : il vous sera fort aisé de faire sauter tous les parlements du royaume avec cette invention du moine Schwartz, qu’on appelle pulvis pyrius[1]. Je calcule qu’il faut, l’un portant l’autre, trente-six tonneaux de poudre pour chaque parlement, et ainsi, en multipliant douze parlements[2] par trente-six tonneaux, cela ne compose que quatre cent trente-deux tonneaux, qui, à cent écus pièce, font la somme de cent vingt-neuf mille six cents livres : c’est une bagatelle pour le révérend père général.

Les parlements une fois sautés, vous donnerez leurs charges à vos congréganistes, qui sont parfaitement instruits des lois du royaume.

6° Il sera aisé d’empoisonner M. le cardinal de Noailles, qui est un homme simple, et qui ne se défie de rien.

Votre Révérence emploiera les mêmes moyens de conversion auprès de quelques évêques rénitents ; leurs évêchés seront mis entre les mains des jésuites, moyennant un bref du pape : alors tous les évêques étant du parti de la bonne cause, et tous les

  1. La poudre à canon.
  2. En 1714, année en laquelle Voltaire suppose écrite la lettre qui forme ce chapitre, il n’y avait en France que douze parlements ; voyez la note, tome XVI, page 531.