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80 RÉFUTATION

S'il savait que le fils, aussi rempli de probité et de mérite que dénué de fortune, peut se voir arracher toutes ses espérances par les calomnies dont on noircit la mémoire de son père ; s'il apprenait que ces calomnies peuvent priver d'établissement cinq filles vertueuses, il efTacerait par ses larmes ce que sa coupable imprudence lui a fait écrire.

Jusqu'à quand verra-t-on non-seulement les gens de lettres, qui doivent être humains, mais encore ceux dont la profession est d'être charitables, infecter les journaux et les dictionnaires de médisances, d'offenses personnelles, de scandales, que la reli- gion réprouve et que le monde abhorre ?

On imprima, il y a quelques années, dans les Suppléments de Morèri et du célèbre Bayle, des anecdotes concernant feu M. Joseph Saurin. On l'accuse dans ces articles* des actions les plus odieuses, parce qu'il avait quitté une secte pour une autre, ou plutôt parce qu'il avait mieux aimé vivre à Paris dans le sein des lettres que de se consumer ailleurs dans le fatras des disputes théologiques. Je fus indigné de l'insolence du compilateur nommé Chaufepié, qui croyait avoir continué le dictionnaire de Bayle.

Les dictionnaires sont faits pour être les dépôts des sciences, et non les greffes d'une chambre criminelle-. Cependant ce scandale imprimé faisait quelque effet dans les esprits faibles et avides de la honte d'autrui.

^J'avais passé trois années de ma jeunesse, avec M. Joseph

remarquera qu'en 1758 il parlait à la troisième personne. C'est à la première qu'il parle dans le texte de 1775, donné par les éditeurs de Kehl, et que j'ai suivi. (B.) — La Réponse à la Réfutation dont il est question dans le quatrième para- .^raphe de cette note est celle mentionnée dans l'Avertissement de Beuchot, tome XIV, n° v de la note 4, page xi. — Le certificat des pasteurs, du 30 mars 1757, avait été supprimé par Voltaire. Il était nécessaire de le conserver, on le trouvera, tome XIV, en note, à l'article Saurin (Joseph), dans le Catalogue des écrivains.

1. Voici le texte de 1758 :

« On l'accuse dans ces articles des crimes les plus infâmes et les plus bas ; et on cite une lettre de lui à un pasteur, son ami, dans laquelle il lui lait la con- fession de son infamie. Il n'est pas naturel qu'un homme d'un jjrand sens et d'un esprit profond, tel qu'était Saurin, ait signé sa honte. Mais quand même il serait possible qu'il eût écrit cette lettre à un ami, certainement les lois de la société ne permettent, ni qu'on trahisse les secrets de l'amitié, ni qu'on viole l'asile des tombeaux pour faire un mal public dont il ne revient aucun bien à personne. Los dictionnaires, etc. » (B. )

2. On lit dans 1758 : «...criminelle. Les lois ne permettent pas même qu'on reproche à un homme d'avoir été puni par les lois, parce qu'un reproche public est une punition, et qu'il n'appartient qu'au souverain de punir. Cependant...» (B.)

3. Au lieu de cet alinéa, on lisait en 1758 :

«Les enfants infortunés de l'accusé adressèrent Icuis justes plaintes à un

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