Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LE QUAKER.

Ah ! mes frères, ne soyez baptisés ni par la patte de ce renard, ni par la griffe de ce tigre. Croyez-moi, il vaut mieux n’être point baptisé du tout ; c’est ainsi que nous en usons. Le baptême peut avoir son mérite ; mais on peut très-bien s’en passer. Tout ce qui est nécessaire, c’est d’être animé de l’Esprit ; vous n’avez qu’à l’attendre, il viendra, et vous en saurez plus en un moment que ces charlatans n’en pourraient dire dans toute leur vie.

L’ANGLICAN.

Ah ! mes ouailles, quels monstres viennent ici vous dévorer ! Mes chères brebis, ne savez-vous pas que l’Église anglicane est la seule Église pure ? Nos chapelains qui sont venus boire du punch à Kanton ne vous l’ont-ils pas dit ?

LE JÉSUITE.

Les anglicans sont des déserteurs ; ils ont renoncé à notre pape, et le pape est infaillible.

LE LUTHÉRIEN.

Votre pape est un âne, comme l’a prononcé Luther. Mes chers Chinois, moquez-vous du pape, et des anglicans, et des molinistes, et des jansénistes, et des quakers, et ne croyez que les luthériens : prononcez seulement ces mots, in, cum, sub [1], et buvez du meilleur.

LE PURITAIN.

Nous déplorons, mes frères, l’aveuglement de tous ces gens-ci, et le vôtre. Mais, Dieu merci, l’Éternel a ordonné que je viendrais à Pékin, au jour marqué, confondre ces bavards ; que vous m’écouteriez, et que nous ferions le souper ensemble le matin, car vous saurez que dans le quatrième siècle de l’ère de Denis le Petit…

LE MUSULMAN.

Eh ! mort de Mahomet, voilà bien des discours ! Si quelqu’un de ces chiens-là s’avise encore d’aboyer, je leur coupe à tous les deux oreilles ; pour leur prépuce, je ne m’en donnerai pas la peine : ce sera vous, mes chers Chinois, que je circoncirai ; je vous donne huit jours pour vous y préparer, et si quelqu’un de vous autres, après cela, s’avise de boire du vin, il aura affaire à moi.

LE JUIF.

Ah ! mes enfants, si vous voulez être circoncis, donnez-moi

  1. Expressions luthériennes qui veulent dire que le corps de Jésus-Christ est dans le pain, sous le pain, et avec le pain, dans l’Eucharistie. (G. A.)