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SOO ÉCLAIRCISSEMENTS HISTORIQUES.

plus horribles effets de la subversion totale de ce malheureux pays. Frère Martin réclama' la prisonnière comme u sentant l'hé- résie, odorantem hœresimn. Il somma le duc de Bourgogne et le comte de Ligny, a par le droit de son office, et de l'autorité à lui commise par le saint-siége, de livrer Jeanne à la sainte Inqui- sition».

La Sorbonne se hâta de seconder frère Martin : elle écrivit au duc de Bourgogne et à Jean de Luxembourg: «Vous avez em- ployé votre noble puissance à appréhender icelle femme qui se dit la Pucelle, au moyen de laquelle l'honneur de Dieu a été sans mesure offensé, la foi excessivement blessée, et l'Église trop for- tement déshonorée : car, par son occasion, idolâtrie, erreurs, mauvaise doctrine, et autres maux inestimables, se sont ensuivis en ce royaume...,; mais peu de chose serait avoir fait telle prinse, si ne s'ensuivait ce qu'il appartient pour satisfaire l'offense par elle perpétrée contre notre doux Créateur et sa foi, et sa sainte Église, avec ses autres méfaits innumérables,...; et si, serait into- lérable offense contre la majesté divine s'il arrivait qu'icelle femme fût délivrée -. »

Enfin la Pucelle fut adjugée à Pierre Cauchon, qu'on appelait l'indigne évéque, l'indigne Français, et l'indigne homme. Jean de Luxembourg vendit la Pucelle à Cauchon et aux Anglais pour dix mille livres, et le duc de Bedford les paya. La Sorbonne, l'évêque, et frère Martin, présentèrent alors une nouvelle requête à ce duc de Bedford, régent de France, « en l'honneur de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, pour qu'icelle Jeanne fût briè- vement mise es mains de la justice de l'Église». Jeanne fut con- duite à Rouen. L'archevêché était alors vacant, et le chapitre

��1. Cela est exact. La lettre de Martin fut écrite trois jours après la prise de la Pucelle.

Mais Voltaire se trompe lorsque, dans la suite de l'article, il dit que Martin présida au jugement avec Cauchon, évoque de Beauvais : ce fut le frère Jean Lemaître (Joannes Magistri), autre vicaire de l'inquisiteur de France. Il parait que Martin était vicaire pour la France proprement dite, tandis que Lemaître l'était pour le diocèse de Rouen. Comme Compiègne, où Jeanne avait été prise, était de la France, Lemaître doutait qu'il eût le droit de procéder contre elle, ses pouvoirs étant restreints, comme on l'a dit, au diocèse de Rouen; mais l'in- quisiteur (le jacobin Le Graverend) lui donna, dans la suite, des pouvoirs spé- ciaux pour le procès de Jeanne.

Au reste, la ressemblance des noms des vicaires dans les procès latins ( Mar- tini et Magistri) a pu facilement induire Voltaire en erreur. ( .Note communi- quée, en 1831, par M. Bcrriat Saint-Prix, auteur de Jeanne d'Arc, 1817, in-S».)

2. C'est une traduction du l.itin de la Sorbonne, faite longtemps après. {Noie de VoUuire.)

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