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Nous avons entendu parler d’un abbé Lacoste qui en imposait en effet : c’était un associé du sieur Fréron, et on fit même un passe-droit à ce dernier pour avancer l’abbé Lacoste dans la marine ; je ne crois pas que ce soit le même dont M. de Pompignan nous parle[1].

Au reste, monsieur, l’église du Tilloy avait un très-grand avantage sur celle de Pompignan : vous avez une sacristie, et M. de Pompignan avoue lui-même qu’il n’en a point, et que le prêtre, le diacre, et le sous-diacre, furent obligés de s’habiller dans sa bibliothèque. Cela est un peu irrégulier ; mais aussi il a parlé de sa bibliothèque au roi ; il est dit en marge (page 31) qu’un ministre d’État a trouvé sa bibliothèque fort belle[2] ; on y trouve une collection immense de tous les exemplaires qu’on a jamais tirés des cantiques hébraïques de M. de Pompignan, et de son Discours à l’Académie française ; tandis que les petits écrits badins où l’on se moque un peu de M. de Pompignan sont condamnés à être dispersés en feuilles volantes abandonnées à leur mauvais sort sur toutes les cheminées de Paris, où il peut avoir la satisfaction de les voir pour les immoler à sa gloire.

Il est dit même dans le sermon prononcé à Pompignan que « Dieu donne à ce marquis la jeunesse et les ailes de l’aigle, qu’il est assis près des astres (page 14), que l’impie rampe à ses pieds dans la boue, qu’il est admiré de l’univers, et que son génie brille d’un éclat immortel ».

Voilà, monsieur, la justice que se rend à lui-même le marquis, tandis que je reste inconnu au Tilloy.

On ajoute que M. le marquis eut ce jour-là une table de vingt-six couverts (page 38) ; je vois que la Renommée est aussi injuste que la Fortune : nous étions trente-deux le jour de la dédicace de votre église, et cela n’a pas seulement été remarqué dans Montargis.

Enfin il est parlé de Mme la marquise[3] de Pompignan, et on n’a pas dit un mot de Mme de L’Écluse ; on se prévaut même du jugement du sieur Fréron, qui appelle cette partie du sermon une

  1. L’abbé Lacoste, qui bénit l’église de Pompignan, était grand chantre du chapitre de l’église cathédrale de Cahors. Voltaire fait semblant de le confondre avec un autre abbé Lacoste, condamné aux galères en 1760, et mort avant d’y être arrivé. (B.)
  2. En marge de la phrase où il est dit que la bibliothèque de Pompignan est nombreuse et savante, on lit : « Je parle ici d’après le témoignage d’un ministre célèbre. » (B.)
  3. Marie-Antoinette-Félicité de Caulaincourt. (Cl.)