Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/468

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

postérité, il faut se donner beaucoup de peine, et que je ne m’en suis donné aucune. Vous avez craint, dites-vous, le sort des prédicateurs modernes que M. Lefranc de Pompignan traite dans sa Préface d’écrivains impertinents, comme il a traité les académiciens de Paris de libertins, dans son Discours à l’Académie[1]. Mais, mon cher pasteur, on n’exige pas d’un curé de campagne l’éloquence d’un évêque du Puy.

Ne pouviez-vous pas vaincre ma modestie, et me forcer doucement à recevoir l’immortalité ? Qui vous empêchait de comparer l’église du Tilloy (page 3) à la sainte cité de Jérusalem descendant du ciel ? Ne vous était-il pas aisé de me louer, moi présent ? C’est ainsi qu’on en a usé à Pompignan : on adressa la parole à M. de Pompignan, immédiatement avant d’implorer les lumières du Saint-Esprit et de la vierge Marie. On a eu soin de mettre en marge : « M. le marquis de Pompignan présent. »

Quand je vous ai fait de deux reproches sur votre négligence dans une affaire si grave, vous m’avez répondu que c’est ma faute de n’avoir point pris le titre de marquis ; que mon grand-père n’était que docteur en médecine de la Faculté de Bourges ; que celui de M. de Pompignan était professeur en droit canon à Cahors. Vous ajoutez que votre paroisse est trop près de Paris, et que ce qui est grand et admirable à deux cents lieues de la capitale n’a peut-être pas tant d’éclat dans son voisinage.

Cependant, monsieur, il m’est bien dur de n’avoir travaillé que pour Dieu, tandis que M. de Pompignan reçoit sa récompense dans ce monde.

M. le marquis de Pompignan fait la description de sa procession[2] : Il y avait, dit-il, à la tête un jeune jésuite (page 32), derrière lequel marchait immédiatement M. de Pompignan avec son procureur fiscal.

Mais, monsieur, n’avons-nous pas eu aussi une procession, un procureur fiscal, et un greffier ? Et s’il m’a manqué le derrière d’un jeune jésuite, cela ne peut-il pas se réparer ?

M. Lefranc rapporte que M. l’abbé Lacoste officia d’une manière imposante : n’avez-vous pas officié d’une manière édifiante ?

    Vedeilhié ; à Paris, chez J. Darbou, rue Saint-Jacques, aux Cigognes ; 1762, in-8o. C’était l’ouvrage de l’abbé Fr.-Ch. de Saint-Laurent de Reyrac, né en 1734, mort à Orléans le 22 décembre 1782, connu par son Hymne au Soleil. Les mots entre guillemets sont dans l’imprimé, auquel se rapportent aussi les indications ontre parenthèses. (B.)

  1. Celui qui fit naître les Quand ; Voyez, tome XXIV, page 111.
  2. À la suite du Discours de Reyrac était imprimée une Lettre au sujet de la bénédiction de l’Église de Pompignan, que Voltaire cite aussi exactement. (B.)