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SERMON DES CINQUANTE.

croire que les maîtres de ces cochons, qui apparemment n’étaient pas Juifs, ne furent pas contents de cette farce. Il guérit un aveugle, et cet aveugle voit des hommes comme si c’étaient des arbres. Il veut manger des figues en hiver, il en cherche sur un figuier, et, n’en trouvant point, il maudit l’arbre et le fait sécher ; et le texte ne manque pas d’ajouter prudemment : Car ce n’était pas le temps des figues.

Il se transforme pendant la nuit, et il fait venir Moïse et Élie… En vérité, les contes des sorciers approchent-ils de ces impertinences ? Cet homme, qui disait continuellement des injures atroces aux pharisiens, qui les appelait races de vipères, sépulcres blanchis, est enfin traduit par eux à la justice, et supplicié avec deux voleurs ; et ses historiens ont le front de nous dire qu’à sa mort la terre a été couverte d’épaisses ténèbres en plein midi, et en pleine lune : comme si tous les écrivains de ce temps-là n’auraient pas parlé d’un si étrange miracle.

Après cela il ne coûte rien de se dire ressuscité, et de prédire la fin du monde, qui n’est pourtant pas arrivée.

La secte de ce Jésus subsiste cachée, le fanatisme l’augmente[1] ; on n’ose pas d’abord faire de cet homme un Dieu, mais bientôt on s’encourage. Je ne sais quelle métaphysique de Platon s’amalgame avec la secte nazaréenne : on fait de Jésus le logos, le Verbe-Dieu, puis consubstantiel à Dieu son père. On imagine la Trinité, et, pour la faire croire, on falsifie les premiers évangiles.

On ajoute un passage touchant cette Trinité, de même qu’on falsifie l’historien Josèphe, pour lui faire dire un mot de Jésus, quoique Josèphe soit un historien trop grave pour avoir fait mention d’un tel homme. On va jusqu’à supposer des vers des sibylles ; on suppose des Canons des apôtres, des Constitutions des apôtres, un Symbole des apôtres, un voyage de Simon Pierre à Rome, un assaut de miracles entre ce Simon et un autre Simon prétendu magicien. En un mot, point d’artifices, de fraudes, d’impostures, que les nazaréens ne mettent en œuvre : et après cela on vient nous dire tranquillement que les apôtres prétendus n’ont pu être ni trompés ni trompeurs, et qu’il faut croire à des témoins qui se sont fait égorger pour soutenir leurs dépositions.

Ô malheureux trompeurs et trompés qui parlez ainsi ! quelle preuve avez-vous que ces apôtres ont écrit ce qu’on met sous leur

  1. Dans l’édition de 1749, il y a : « La secte de ce Jésus subsiste cachée ; le fanatisme s’augmente : on n’ose, etc. »