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SERMON DES CINQUANTE.

Après cette belle prédiction, rapportée dans Isaïe, et dont il n’est pas dit un mot dans le livre des Rois, le prophète est chargé lui-même de l’exécution. Le Seigneur lui commande d’abord d’écrire, dans un grand rouleau, qu’on se hâte de butiner : il hâte le pillage, puis, en présence de témoins, il couche avec une fille, et lui fait un enfant ; mais au lieu de l’appeler Emmanuel, il lui donne le nom de Maher Salal-has-bas. Voilà, mes frères, ce que les chrétiens ont détourné en faveur de leur Christ : voilà la prophétie qui établit le christianisme. La fille à qui le prophète fait un enfant, c’est incontestablement la Vierge Marie ; Maher Salal-has-bas, c’est Jésus-Christ ; pour le beurre et le miel, je ne sais pas ce que c’est. Chaque devin prédit aux Juifs leur délivrance, quand ils sont captifs ; et cette délivrance, c’est, selon les chrétiens, la Jérusalem céleste, et l’Église de nos jours. Tout est prédiction chez les Juifs ; mais chez les chrétiens, tout est miracle, et toutes ces prédictions sont des figures de Jésus-Christ.

Voici, mes frères, une de ces belles et éclatantes prédictions : le grand prophète Ézéchiel voit un vent d’aquilon, et quatre animaux, et des roues de chrysolite toutes pleines d’yeux, et l’Éternel lui dit : Lève-toi, mange un livre, et puis va-t’en.

L’Éternel lui commande de dormir trois cent quatre-vingt-dix jours sur le côté gauche, et ensuite quarante sur le côté droit. L’Éternel le lie avec des cordes ; ce prophète était assurément un homme à lier : nous ne sommes pas au bout. Puis-je répéter sans vomir ce que Dieu ordonne à Ézéchiel ? Il le faut. Dieu lui ordonne de manger du pain d’orge cuit avec de la merde. Croirait-on que le plus sale faquin de nos jours pût imaginer de pareilles ordures ? Oui, mes frères, le prophète mange son pain d’orge avec ses excréments : il se plaint que ce déjeuner lui répugne un peu, et Dieu, par accommodement, lui permet de ne plus mêler à son pain que de la fiente de vache. C’est donc là un type, une figure de l’Église de Jésus-Christ.

Après cet exemple, il est inutile d’en rapporter d’autres, de perdre notre temps à combattre toutes les rêveries dégoûtantes et abominables qui font le sujet des disputes entre les juifs et les chrétiens : contentons-nous de déplorer l’aveuglement le plus à plaindre qui ait jamais offusqué la raison humaine ; espérons que cet aveuglement finira comme tant d’autres ; et venons au Nouveau Testament, digne suite de ce que nous venons de dire.