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SERMON DES CINQUANTE.

nons point ici comment soixante et dix personnes de la famille de Joseph, qui s’établirent en Égypte, purent, en deux cent quinze ans, se multiplier jusqu’à six cent mille combattants, sans compter les femmes, les vieillards et les enfants : ce qui devait composer une multitude de près de deux millions d’âmes. Ne discutons point comment le texte porte quatre cent trente ans, lorsque le même texte en a porté deux cent quinze. Le nombre infini de contradictions, qui sont le sceau de l’imposture, n’est pas ici l’objet qui doit nous arrêter. Écartons pareillement les prodiges ridicules de Moïse, et des enchanteurs de Pharaon, et tous ces miracles faits pour donner au peuple juif un malheureux coin de mauvaise terre, qu’ils achètent ensuite par le sang et par le crime, au lieu de leur donner la fertile terre d’Égypte où ils étaient. Tenons-nous-en à cette voie affreuse d’iniquité par laquelle on le fait marcher. Leur Dieu avait fait de Jacob un voleur, et il fait des voleurs de tout un peuple ; il ordonne à son peuple de dérober et d’emporter tous les vases d’or et d’argent, et tous les ustensiles des Égyptiens. Voilà donc ces misérables, au nombre de six cent mille combattants, qui, au lieu de prendre les armes en gens de cœur, s’enfuient en brigands conduits par leur Dieu. Si ce Dieu leur avait voulu donner une bonne terre, il pouvait leur donner l’Égypte ; mais non : il les conduit dans un désert. Ils pouvaient se sauver par le chemin le plus court, et ils se détournent de plus de trente milles pour passer la mer Rouge à pied sec. Après ce beau miracle, le propre frère de Moïse leur fait un autre dieu, et ce dieu est un veau. Pour punir son frère, le même Moïse ordonne à des prêtres de tuer leurs fils, leurs frères, leurs pères ; et ces prêtres tuent vingt-trois mille Juifs, qui se laissent égorger comme des bêtes.

Après cette boucherie, il n’est pas étonnant que ce peuple abominable sacrifie des victimes humaines à son dieu, qu’il appelle Adonaï, du nom d’Adonis, qu’il emprunte des Phéniciens. Le vingt-neuvième verset du chapitre xxvii du Lévitique défend expressément de racheter les hommes dévoués à l’anathème du sacrifice, et c’est sur cette loi de cannibales que Jephté, quelque temps après, immole sa propre fille.

Ce n’était pas assez de vingt-trois mille hommes égorgés pour un veau, on nous en compte encore vingt-quatre mille autres immolés pour avoir eu commerce avec des filles idolâtres : digne prélude, digne exemple, mes frères, des persécutions en matière de religion.

Ce peuple avance dans les déserts et dans les rochers de la