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L’auteur de l’Esprit des lois donne cette prétendue décision des cadis, comme une preuve du despotisme du sultan. Il semble que ce serait au contraire une preuve qu’il est soumis aux lois, puisqu’il serait obligé de consulter des docteurs pour se mettre au-dessus des lois. Nous sommes voisins des Turcs, nous commerçons avec eux, et nous ne les connaissons pas. Le comte de Marsigli, qui a vécu vingt-cinq ans au milieu d’eux, dit qu’aucun n’a donné une véritable connaissance ni de leur empire, ni de leurs lois. Nous n’avons eu même aucune traduction tolérable de l’Alcoran avant celle que nous a donnée M. Sale en 1734. Presque tout ce qu’on a dit de leur religion et de leur jurisprudence est faux ; et les conclusions qu’on en tire tous les jours contre eux sont trop peu fondées. On ne doit dans l’examen des lois citer que des lois reconnues.

LV.

«[1]Tout le bas commerce était infâme chez les Grecs. » Je ne sais pas ce que l’auteur entend par bas commerce ; mais je sais que dans Athènes tous les citoyens commerçaient, que Platon vendit de l’huile, et que le père du démagogue Domosthène était marchand de fer. La plupart des ouvriers étaient des étrangers ou des esclaves. Il nous est important de remarquer que le négoce n’était point incompatible avec les dignités dans les républiques de la Grèce, excepté chez les Spartiates, qui n’avaient aucun commerce.

LVI.

« J’ai ouï souvent déplorer, dit-il[2], l’aveuglement du conseil de François Ier qui rebuta Christophe Colomb qui lui proposait les Indes. » Vous remarquerez que François Ier n’était pas né lorsque Colomb découvrit les îles de l’Amérique.

LVII.

Puisqu’il s’agit ici de commerce, observons que l’auteur condamne une ordonnance du conseil d’Espagne, qui défend d’employer l’or et l’argent en dorure : « Un décret pareil, dit-il[3] serait semblable à celui que feraient les états de Hollande s’ils défendaient la consommation de la cannelle. » Il ne songe pas que les Espagnols, n’ayant point de manufactures, auraient acheté les galons et les étoffes de l’étranger, et que les Hollandais ne pou-

  1. Livre IV, chap. viii. (Note de Voltaire.)
  2. Ibid., chap. xix. (Id.)
  3. Ibid. (Id.)