Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/431

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui fit apprendre le métier de menuisier ; mais tous les hommes ne doivent pas être manœuvres.

XXXIV.

« Les dépositaires de la puissance exécutive ne sont point les maîtres du peuple, mais ses officiers …; il peut les établir et les destituer quand il lui plaît ; il n’est point question pour eux de contracter, mais d’obéir[1]. »

Il est vrai que les magistrats ne sont pas les maîtres du peuple : ce sont les lois qui sont maîtresses ; mais le reste est absolument faux ; il l’est dans tous les États, il l’est chez nous. Nous avons le droit, quand nous sommes convoqués, de rejeter ou d’approuver les magistrats et les lois qu’on nous propose ; nous n’avons pas le droit de destituer les officiers de l’État quand il nous plaît : ce droit serait le code de l’anarchie. Le roi de France lui-même, quand il a donné des provisions à un magistrat, ne peut le destituer qu’en lui faisant son procès. Le roi d’Angleterre ne peut ôter une pairie qu’il a donnée. L’empereur ne peut destituer quand il lui plaît un prince qu’il a créé. On ne destitue les magistrats amovibles qu’après le temps de leur exercice. Il n’est pas plus permis de casser un magistrat par caprice que d’emprisonner un citoyen par fantaisie.

XXXV.

« C’est une erreur de prendre le gouvernement de Venise pour une véritable aristocratie. Si le peuple n’y a nulle part au gouvernement, la noblesse y est peuple elle-même. Une multitude de pauvres barnabotes n’approcha jamais d’aucune magistrature[2]. »

Tout cela est d’une fausseté révoltante. Voilà la première fois qu’on a dit que le gouvernement de Venise n’était pas entièrement aristocratique : c’est une extravagance à la vérité, mais elle serait sévèrement punie dans l’État vénitien. Il est faux que les sénateurs, que l’auteur ose appeler du terme méprisant de barnabotes, n’aient jamais été magistrats ; je lui en citerais plus de cinquante qui ont eu les emplois les plus importants.

Ce qu’il dit ensuite, que « nos paysans représentent les sujets de terre ferme de la république de Venise[3], » n’est pas plus vrai. Parmi ces sujets de terre ferme, il se trouve à Vérone, à Vicence,

  1. Livre III, chap. xviii.
  2. Livre IV, chap. iii.
  3. Livre IV, chap. iii.