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À M. DE***.

Cette suite d’histoire, débarrassée de tous les détails qui obscurcissent d’ordinaire le fond, et de toutes les minuties de la guerre, si intéressantes dans le moment et si ennuyeuses après, et de tous les petits faits qui font tort aux grands, devait composer un vaste tableau qui pouvait aider la mémoire en frappant l’imagination.

Plusieurs personnes voulurent avoir le manuscrit, tout imparfait qu’il était ; et il y en a plus de trente copies. Je les donnai d’autant plus volontiers que, ne pouvant plus travailler à cet ouvrage, c’était autant de matériaux que je mettais entre les mains de ceux qui pouvaient l’achever.

Lorsque M. de La Bruère eut le privilége du Mercure de France, vers l’année 1747, il me pria de lui abandonner quelques-unes de ces feuilles, qui parurent dans son journal[1]. On les a recueillies depuis, en 1751, parce qu’on recueille tout. Le morceau sur les croisades, qui fait une partie de l’ouvrage, fut donné dans ce recueil comme un morceau détaché ; et le tout fut imprimé très-incorrectement avec ce titre peu convenable : Plan de l’histoire de l’esprit humain[2]. Ce prétendu plan de l’histoire de l’esprit humain contient seulement quelques chapitres historiques touchant les IXe et Xe siècles.

Un libraire de la Haye ayant trouvé un manuscrit plus complet vient de l’imprimer avec le titre d’Abrégé de l’Histoire universelle, depuis Charlemagne jusqu’à Charles-Quint ; et cependant il ne va pas seulement jusqu’au roi de France Louis XI ; apparemment qu’il n’en avait pas davantage, ou qu’il a voulu attendre, pour donner son troisième volume, que ses deux premiers fussent débités.

Il dit qu’il a acheté ce manuscrit d’un homme qui demeure à Bruxelles. J’ai ouï dire, en effet, qu’un domestique de monseigneur le prince Charles de Lorraine en possédait depuis longtemps une copie, et qu’elle était tombée entre les mains de ce domestique par une aventure assez singulière. L’exemplaire fut pris dans une cassette, parmi l’équipage d’un prince pillé par des housards dans une bataille donnée en Bohême[3]. Ainsi on a eu

  1. Voyez le Mercure de septembre, octobre, décembre (1er) 1750, et février 1751.
  2. Un volume fut imprimé, en 1753, sous le titre d’Histoire des Croisades : voyez la note, tome XI, page 435. Un autre volume avait été publié sous ce titre : Le Micromegas de M. de Voltaire, avec une histoire des croisades et un nouveau plan de l’histoire de l’esprit humain, par le même. Londres, 1752, très-petit in-8o ; Berlin, 1753, petit in-8o.
  3. La bataille de Sorr ; voyez page ix de l’Avertissement de Beuchot, en tête du tome XI.