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406 HISTOIRE

Louis Calas, mon autre frère, se fit catholique, je ne l'aurais pas épargné. »

Pourquoi affecta-t-on de faire venir ce témoin de Montpellier pour déposer d'un fait que ce témoin prétendait s'être passé devant la demoiselle Bou et deux de ses garçons, qui étaient tous à Tou- louse? Pourquoi ne voulut-on pas faire ouïr la demoiselle Bou et ces deux garçons, surtout après qu'il eut été avancé dans les Mémoires des Calas que la demoiselle Bou et ces deux garçons soutenaient fortement que tout ce que Cazères avait osé dire n'était qu'un mensonge dicté par des ennemis de l'accusé et par la haine des partis? Quoi! le nommé Cazères a entendu publi- quement ce qu'on disait à ses maîtres, et ses maîtres et ses com- pagnons ne l'ont pas entendu ! Et les juges l'écoutent, et ils n'écou- tent pas ces compagnons et ces maîtres !

Ne voit-on pas que la déposition de ce misérable était une contradiction dans les termes? « On peut se sauver dans les deux religions »; c'est-à-dire Dieu a pitié de l'ignorance et de la fai- blesse humaine, et moi, je n'aurai pas pitié de mon frère! Dieu accepte les vœux sincères de quiconque s'adresse à lui, et moi, je tuerai quiconque s'adressera à Dieu d'une manière qui ne me plaira pas! Peut-on supposer un discours rempli d'une démence si atroce ?

Un autre témoin, mais bien moins important, qui déposa que Pierre Calas parlait mal de la religion romaine, commença par dire : a J'ai une aversion invincible pour tous les protestants. » Voilà certes un témoignage bien recevable!

C'était là tout ce qu'on avait pu rassembler contre Pierre Calas : le rapporteur crut y trouver une preuve assez forte pour fonder une condamnation aux galères perpétuelles; il fut seul de son avis. Plusieurs opinèrent à mettre Pierre hors de cour, d'autres à lecoudamner au bannissement perpétuel; le rapporteur se réduisit à cet avis, qui prévalut.

On vint ensuite à la veuve Calas, à cette mère vertueuse. Il n'y avait contre elle aucune sorte de preuve, ni de présomption, ni d'indice ; le rapporteur opina néanmoins contre elle au ban- nissement; tous les autres juges furent d'avis de la mettre hors de cour et de procès.

Ce fut après cela le tour du jeune Lavaisse. Les soupçons contre lui étaient absurdes. Comment ce jeune homme de dix-neuf ans, étant à Bordeaux, aurait-il été élu à Toulouse bourreau des pro- testants? La mère lui aurait-elle dit : a Vous venez à projws, nous avons un fils aîné à exécuter; vous êtes son ami, vous soupercz

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