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DES CALAS. 405

plicc et sa vie, il ne tint que des discours remplis de sentiments de christianisme; il ne s'emporta point contre ses juges; sa cha- rité lui fit dire qu'il ne leur imputait pas sa mort, et qu'il fallait qu'ils eussent été trompés par de faux témoins. Enfin lorsqu'il vit le moment où l'exécuteur se disposait à le délivrer de ses peines, ses dernières paroles au P. Bourges furent celles-ci : <( Je meurs innocent; Jésus-Christ, qui était l'innocence même, a bien voulu mourir par un supplice plus cruel encore. Je n'ai point de regret à une vie dont la fin va, je l'espère, me conduire à un bon- heur éternel. Je plains mon épouse et mon fils ; mais ce pauvre étranger à qui je croyais faire politesse en le priant à souper, ce fils de M. Lavaisse, augmente encore mes regrets, d

Il parlait ainsi, lorsque le capitoul, premier auteur de cette catastrophe, qui avait voulu être témoin de son supplice et de sa mort, quoiqu'il ne fût pas nommé commissaire, s'approcha de lui, et lui cria : « Malheureux! voici le bûcher qui va réduire ton corps en cendres, dis la vérité. » Le sieur Calas ne fit pour toute réponse que détourner un peu la tête, et au même instant l'exé- cuteur fit son office, et lui ôta la vie.

Quoique Jean Calas soit mort protestant, le P. Bourges et le P. Caldaguès, son collègue, ont donné à sa mémoire les plus grands éloges : « C'est ainsi, ont-ils dit à quiconque a voulu les entendre, c'est ainsi que moururent autrefois nos martyrs » ; et même, sur un bruit qui courut que le sieur Calas s'était démenti et avait avoué son prétendu crime, le P. Bourges crut devoir aller lui-même rendre compte aux juges des derniers sentiments de Jean Calas, et les assurer qu'il avait toujours protesté de son inno- cence et de celle des autres accusés.

Après cette étrange exécution, on commença par juger Pierre Calas le fils; il était regardé comme le plus coupable de ceux qui restaient en vie ; voici sur quel fondement.

Un jeune homme du peuple, nommé Cazères, avait été appelé à Montpellier pour déposer dans la continuation d'information ; il avait déposé qu'étant en qualité de garçon chez un tailleur nommé Bou, qui occupait une boutique dépendante de la mai- son du sieur Calas, le sieur Pierre Calas étant entré un jour dans cette boutique, la demoiselle Bou, entendant sonner la bénédic- tion, ordonna à ses garçons de l'aller recevoir ; sur quoi Pierre Calas lui dit : u Vous ne pensez qu'à vos bénédictions; on peut se sauverdans les deux religions; deux de mes frères pensent comme moi : sije savais qu'ils voulussent changer, je serais en état de les poignarder ; et si j'avais été à la place de mon père, quand

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