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DES CALAS. i03

catholicité, et qu'il n'avait pas voulu se charger de la prévarica- tion de donner un certificat de catholicité à un protestant.

M. le conseiller de Lasalle pesait toutes ces raisons; il ajoutait surtout que, selon la disposition des ordonnances et celle du droit romain, suivi dans le Languedoc, « il n'y a ni indice ni pré- somption, fût-elle de droit, qui puisse faire regarder un père comme coupable de la mort de son fils, et balancer la présomption naturelle et sacrée qui met les pères à l'abri de tout soupçon du meurtre de leurs enfants ».

Enfin ce digne magistrat trouvait que le jeune Lavaisse, étranger à toute cette horrible aventure, et la servante catholique, ne pouvant être accusés du meurtre prétendu de Marc-Antoine Calas, devaient être regardés comme témoins, et que leur témoi- gnage nécessaire ne devait pas être ravi aux accusés.

Fondé sur tant de raisons invincibles, et pénétré d'une juste pitié, M. de Lasalle en parla avec le zèle que donnent la per- suasion de l'esprit et la bonté du cœur. Un des juges lui dit : « Ah! monsieur, vous êtes tout Calas. — Ah ! monsieur, vous êtes tout peuple », répondit M. de Lasalle.

Il est bien triste que cette noble chaleur qu'il faisait paraître ait servi au malheur de la famille dont son équité prenait la dé- fense : car, s'étant déclaré avec tant de hauteur et eu public, il eut la délicatesse de se récuser, et les Calas perdirent un juge éclairé, qui probablement aurait éclairé les autres.

M. Laborde, au contraire, qui s'était déclaré pour les préjugés populaires, et qui ayant mar([ué un zèle que lui-même croyait outré; M. Laborde, qui avait renoncé aussi à juger cette alTaire, qui s'était retiré à la campagne près d'Alby, en revint pourtant pour condamner un père de famille à la roue.

Il n'y avait, comme on Fa déjà dits et comme on le dira tou- jours, aucune preuve contre cette famille infortunée : on ne s'ap- puyait que sur des indices ; et quels indices encore ! La raison humaine en rougit.

Le sieur David, capitoul de Toulouse, avait consulté le bour- reau sur la manière dont Marc-Antoine Calas avait pu être pendu; et ce fut l'avis du bourreau qui prépara l'arrêt, tandis qu'on né- gligeait les avis de tous les avocats.

Quand on alla aux opinions, le rapporteur ne délibéra que sur Calas père, et opina que ce père innocent « fût condamné à être d'abord appliqué à la question ordinaire et extraordinaire,

1. Paires 374 et 39G.

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