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384 MÉMOIRE

de bulgares, de patarins, de loUards, de vaudois, d'albigeois, de huguenots, de calvinistes.

Telles sont les idées acquises par l'examen que ma jeunesse a pu me permettre : je ne les rapporte pas pour étaler une vaine érudition, mais pour tâcher d'adoucir dans l'esprit de nos frères catholiques la haine qui peut les armer contre leurs frères ; mes notions peuvent être erronées, mais ma bonne foi n'est point criminelle.

Nous avons fait de grandes fautes, comme tous les autres hommes : nous avons imité les fureurs des Guises ; mais nous avons combattu pour Henri IV, si cher à Louis XV. Les horreurs des Cévennes, commises par des paysans insensés, et que la licence des dragons avait fait naître, ont été mises en oubli, comme les horreurs de la Fronde. Nous sommes les enfants de Louis XV, ainsi que ses autres sujets; nous le vénérons; nous chérissons en lui notre père commun ; nous obéissons à toutes ses lois ; nous payons avec allégresse des impôts nécessaires pour le soutien de sa juste guerre ^; nous respectons le clergé de France, qui fait gloire d'être soumis comme nous à son autorité royale et paternelle ; nous révérons les parlements ; nous les re- gardons comme les défenseurs du trône et de l'État contre les entreprises ultramontaines. C'est dans ces sentiments que j'ai été élevé, et c'est ainsi que pense parmi nous quiconque sait lire et écrire. Si nous avons quelques grâces à demander, nous les espé- rons en silence de la bonté du meilleur des rois.

Il n'appartient pas à un jeune homme, à un infortuné, de décider laquelle des deux religions est la plus agréable à l'Être suprême; tout ce que je sais, c'est que le fond de la religion est entièrement semblable pour tous les cœurs bien nés ; que tous aiment également Dieu, leur patrie et leur roi.

L'iiorrible aventure dont je vais rendre compte pourra émou- voir la justice de ce roi bienfaisant et de sou conseil, la charité du clergé, qui nous plaint en nous croyant dans l'erreur, et la compassion généreuse du parlement même qui nous a plongés dans la plus affreuse calamité où une famille honnête puisse être réduite.

Nous sommes actuellement cinq enfants orphelins: car notre père a péri par le plus grand des supplices, et notre mère pour- suit loin de nous, sans secours et sans appui, la justice due à la

��1. La guerre do Sept ans, ([ui dui-a de 1750 à 1703; voyez, tome XV, les cha- pitres xwi à XXXV du Prcris du Siccle de Louis XV.

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