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DE M. DE CRÉBILLON. 349

rôle de Palamède, qui fut le mieux joué, était aussi celui qui im- posait le plus. On s'aperçut depuis que ce rôle de Palamède est étrangère la pièce, et qu'un inconnu obscur, qui fait le person- nage principal dans la famille d'Agamemnon, gâte absolument ce grand sujet en avilissant Oreste et Electre. Ce roman, qui fait d'Oreste un bomme fabuleux sous le nom de Tydée, et qui le donne pour fils de Palamède, a paru trop peu vraisemblable. On ne peut concevoir comment Oreste, sous le nom de Tydée, ayant fait tant de belles actions, à la cour d'Égisthe, ayant vaincu les deux rois de Corintbe et d'Athènes, comment ce héros, connu par ses victoires, est ignoré de Palamède. *

On a surtout condamné la partie carrée d'Electre avec Itys, fils de Thyeste, et d'Iphianasse avec Tydée, qui est enfin reconnu pour Oreste. Ces amours sont d'autant plus condamnables qu'ils ne servent en rien à la catastrophe. On ne parle d'amour dans cette pièce que pour en parler. C'est une grande faute, il faut l'avouer, d'avoir rendu amoureuse cette Electre, âgée de qua- rante ans, dont le nom même signifie sans faiblesse, et qui est représentée dans toute l'antiquité comme n'ayant jamais eu d'autre sentiment que celui de la vengeance de son père.

C'est le peu de connaissance des bons ouvrages anciens, ou plutôt l'impuissance de fournir cinq actes dans un sujet si noble et si simple, qui fait recourir un auteur à cette malheureuse res- source d'un amour trivial.

Il y a de belles tirades dans V Electre de M. de Crébillon. On souhaiterait en général que la diction fût moins vicieuse, le dia- logue mieux fait, les pensées plus vraies.

Electre commence à s'adresser à la A'uit comme dans un cou- plet d'opéra : elle l'appelle « insensible témoin de ses vives dou- leurs ; elle ne vient plus lui confier ses pleurs », et elle lui confie qu'elle aime Itys : elle lui dit qu'elle veut tuer Itys, parce qu'elle l'aime, « immolons l'amant qui nous outrage » ; et le moment d'après elle avoue à la Nuit que le vertueux « Itys n'en a pas moins trouvé le chemin de son cœur ; mais Arcas ne vient pas », dit-elle. Quel rapport cet Arcas a-t-il avec cet Itys et avec cette Nuit? Il n'y a là nulle suite d'idées, nul art, nulle connaissance delà manière dont on doit sentir et s'exprimer. Arcas lui dit :

Loin de faire éclater le trouble de votre àme (I, 11), Flattez plutôt d'Ily? l'audacieuse flamme ; Faites que votre hymen se diffère d'un jour : Peut-être nous verrons Oreste de retour.

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