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BALANCE ÉGALE. 339

France et non à Rome, et faire des citoyens de gens qui n'étaient que jésuites ;

6'^ Parce qu'on peut défendre à frère La Valette de faire le commerce, et ordonner aux autres d'enseigner le latin, le grec, la géographie, et les mathématiques, en cas qu'ils les sachent;

7" Parce que, s'ils contreviennent aux lois, on peut aisément les mettre au carcan, les envoyer aux galères, ou les pendre, selon l'exigence du cas.

Ayant humblement proposé ces conditions, je passe à la rai- son de la balance. On veut la tenir entre les nations ; il faut la tenir entre les molinistes et les jansénistes.

Toute société veut s'étendre. Le conseil a été longtemps par- tagé entre les tailleurs et les boutonniers. Le procès des savetiers et des cordonniers a été sur le bureau plusieurs années. Il faut encourager et réprimer toutes les compagnies. L'Université est aussi modeste que fourrée, sans doute; mais elle s'éleva contre François I", et ordonna qu'on n'obéit point à l'édit qui établissait le concordat; mais elle déclara Henri III déchu de sa couronne; mais elle empêcha qu'on ne priât Dieu pour Henri IV : c'est lui faire un très-grand bien que de lui opposer des ennemis qui la con- tiennent, comme c'est faire un très-grand bien aux frères jésuites de protéger l'Université , qui aura l'œil ouvert sur toutes les sot- tises qu'ils pourront faire.

Si vous donnez trop de pouvoir à un corps, soyez sûr qu'il en abusera. Que les moines de la Trappe soient répandus dans le monde, qu'ils confessent des princesses, qu'ils élèvent la jeunesse, qu'ils prêchent, qu'ils écrivent, ils seront, au bout de dix ans, semblables aux jésuites, et on sera obligé de les réprimer.

Lisez l'histoire, et nommez-moi la compagnie, la société, qui ne se soit pas écartée de son devoir dans les temps difficiles.

L'esprit convulsionuaire est-il aussi dangereux que l'esprit jésuitique? C'est un grand problème.

Celui-ci a toujours cherché à tromper l'autorité royale pour en abuser : celui-là s'élève contre l'autorité royale ; l'un veut tyranniser avec souplesse : l'autre fouler aux pieds les petits et les grands avec dureté. Les jésuites sont armés de filets, d'hame- çons, de pièges de toute espèce ; ils s'ouvrent toutes les portes en minant sous terre : les couvulsionnaires veulent renverser les portes à force ouverte. Les jésuites flattent les passions des hommes pour les gouverner par ces passions mêmes : les Saint- jMédardiens s'élèvent contre les goûts les plus innocents, pour pmposer le joug affreux du fanatisme.

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