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328 EXTRAIT DES SENTIMENTS

comme il se voit par le culte idolâtrique qu'elle rend à son Dieu de pâte, à ses saints, à leurs images, et à leurs reliques.

Je sais bien que nos christicoles regardent comme une gros- sièreté d'esprit de vouloir prendre au pied de la lettre les pro- messes et prophéties comme elles sont exprimées ; ils abandonnent le sens littéral et naturel des paroles, pour leur donner un sens qu'ils appellent mystique et spirituel, et qu'ils nomment allégo- rique et tropologique, disant, par exemple, que par le peuple d'Israël et de Juda, à qui ces promesses ont été faites, il faut en- tendre, non les Israélites selon la chair, mais les Israélites selon l'esprit, c'est-à-dire les chrétiens, qui sont l'Israël de Dieu, le vrai peuple choisi.

Que par la promesse faite à ce peuple esclave de le délivrer de la captivité, il faut entendre non une délivrance corporelle d'un seul peuple captif, mais la délivrance spirituelle de tous les hommes de la servitude du démon, qui se devait faire par leur divin Sauveur.

Que par l'abondance des richesses et toutes les félicités tempo- relles promises à ce peuple, il faut entendre l'abondance des grâces spirituelles; et qu'enfin, par la ville de Jérusalem, il faut entendre non la Jérusalem terrestre, mais la Jérusalem spirituelle, qui est l'Église chrétienne.

Mais il est facile de voir que ces sens spirituels et allégoriques n'étant qu'un sens étranger, imaginaire, un subterfuge des inter- prètes, il ne peut nullement servir à faire voir la vérité ni la faus- seté d'une proposition, ni d'une promesse quelconque. Il est ridicule de forger ainsi des sens allégoriques, puisque ce n'est que par rapport au sens naturel et véritable que l'on peut juger delà vérité ou de la fausseté. Une proposition par exemple, une pro- messe qui se trouve véritable dans le sens propre et naturel des termes dans lesquels elle est conçue, ne deviendra pas fausse en elle-même, sous prétexte qu'on voudrait lui donner un sens étranger qu'elle n'aurait pas; -de même que celles qui se trouvent manifestement fausses dans leur sens propre et naturel ne de- viendront pas véritables en elles-mêmes sous prétexte qu'on voudrait leur donner un sens étranger qu'elles n'auraient pas.

On peut dire que les prophéties de l'Ancien Testament, ajoutées au Nouveau, sont des choses bien absurdes et bien puériles. Par exemple, Abraham avait deux femmes, dont l'une, qui n'était que servante, figurait la synagogue, et l'autre, qui était épouse, figu- rait l'Église chrétienne; et sous prétexte encore que cet Abraham avait eu deux fils, dont l'un, qui était de la servante, figurait le

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