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DE JEAN MESLIER. 321

l'occident, et depuis le midi jusqu'au septentrion ; je serai votre protecteur partout où vous irez ; je vous ramènerai sain et sauf de cette terre, et je ne vous abandonnerai point que je n'aie accompli tout ce que je vous ai promis.» Jacob S s'étant éveillé dans ce songe, fut saisi de crainte et dit : a Quoi ! Dieu est vrai- ment ici, et je n'en savais rien ! Ah, que ce lieu-ci est terrible, puisque ce n'est autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel ! » Puis, s'étant levé, il dressa une pierre, sur laquelle il ré- pandit de l'huile en mémoire de ce qui venait de lui arriver, et lit en même temps vœu à Dieu que s'il revenait sain et sauf il lui offrirait la dîme de tout ce qu'il aurait.

Voici encore une autre vision. Gardant les troupeaux de son beau-père Laban, qui lui avait promis- que tous les agneaux de diverses couleurs que les brebis produiraient seraient sa récom- pense, il songea ' une nuit qu'il voyait les mâles sauter sur les femelles, et qu'elles lui produisaient toutes des agneaux de diverses couleurs. Dans ce beau songe. Dieu lui apparut, et lui dit^ : « Regardez et voyez comme les mâles montent sur les femelles, et comme ils sont de diverses couleurs ; car j'ai vu la tromperie et l'injustice que vous fait Laban votre beau-père : levez-vous donc maintenant ; sortez de ce pays-ci, et retournez dans le vôtre. » Comme il s'en retournait avec toute sa famille, et avec ce qu'il avait gagné chez son beau-père, il eut, dit l'his- toire, en rencontre, pendant la nuit, un homme inconnu, contre lequel il lui fallut combattre toute la nuit jusqu'au point du jour ; et cet homme ne l'ayant pu vaincre, il lui demanda qui il était ; Jacob lui dit son nom. u Vous ne serez plus appelé Jacob, mais Israël: car puisque vous avez été fort en combattant contre Dieu, à plus forte raison serez-vous fort en combattant contre les hommes, » {Gen., xxxii, 25, 28.)

Voilà quelles furent en partie les premières de ces prétendues visions et révélations divines. Il ne faut pas juger autrement des autres que de celles-ci. Or, quelle apparence de divinité y a-t-il dans des songes si grossiers et dans des illusions si vaines? Si quelques personnes venaient maintenant nous conter de pareilles sornettes, et les crussent pour de véritables révélations divines ; comme, par exemple, si quelques étrangers, quelques Allemands venus dans notre France, et qui auraient vu toutes les plus belles provinces du royaume, venaient à dire que Dieu leur serait apparu

1. Genèse, xxviii, 16. 3. Genèse, xxxi, 10.

2. Ibid., XXX, 32-34. 4. Ibid., xxxi, 12.

24. — MÉLANGES. III. 21

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