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DE JEAN MESI-IER. 317

Si nos christicoles disent que leur Jésus-Christ fut vu par ses apôtres monter glorieusement au ciel, et que plusieurs âmes de leurs prétendus saints furent vues transférées glorieusement au ciel par les anges, les païens romains avaient déjà dit avant eux que Romulus, leur fondateur, fut vu tout glorieux après sa mort; que Ganymède, fils de Tros, roi de Troie, fut, par Jupiter, trans- porté au ciel pour lui servir d'échanson ; que la chevelure de Bérénice, ayant été consacrée au temple de Vénus, fut après trans- portée au ciel ; ils disent la même chose de Gassiopée et d'An- dromède, et même de l'âne de Silène.

Si nos christicoles disent que plusieurs corps de leurs saints ont été miraculeusement préservés de corruption après leur mort, et qu'ils ont été retrouvés par des révélations divines, après avoir été un fort long temps perdus sans savoir où ils pouvaient être, les païens en disent de même du corps d'Oreste, qu'ils prétendent avoir été trouvé par l'avertissement de l'oracle, etc.

Si nos christicoles disent que les sept frères dormants dor- mirent miraculeusement pendant cent soixante-dix-sept ans qu'ils furent enfermés dans une caverne, les païens disent qu'Épiménide le philosophe dormit pendant cinquante-sept ans dans une ca- verne où il s'était endormi.

Si nos christicoles disent que plusieurs de leurs saints par- laient encore miraculeusement après avoir eu la tête ou la langue coupée, les païens disent que la tête de Gabienus chanta un long poème après avoir été séparée de son corps.

Si nos christicoles se glorifient de ce que leurs temples et églises sont ornés de plusieurs tableaux et riches présents, qui montrent les guérisons miraculeuses qui ont été faites par l'inter- cession de leurs saints, on voit aussi, ou du moins on voyait autrefois, dans le temple d'Esculape, en Épidaure , quantité de tableaux des cures et guérisons miraculeuses qu'il avait faites.

Si nos christicoles disent que plusieurs de leurs saints ont été miraculeusement conservés dans les flammes ardentes, sans y recevoir aucun dommage dans leurs corps ni dans leurs habits, les païens disaient que les religieuses du temple de Diane mar- chaient sur les charbons ardents pieds nus, sans se brûler et sans se blesser les pieds , et que les prêtres de la déesse Féronie et de Hirpicus marchaient de même sur des charbons ardents, dans les feux de joie que l'on faisait à l'honneur d'Apollon.

Si les anges bâtirent une chapelle à saint Clément au fond de la mer, la petite maison de Baucis et de Phiiémon fut miraculeuse- ment changée en un superbe temple, en récompense de leur piété.

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