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DE JEAN MESLIER. 303

Les allogiens attribuaient à l'hérétique Cérinthus VÉvamjUc et V Apocalypse de saint Jean : c'est pourquoi ils les rejetaient. Les hé- rétiques de nos derniers siècles rejettent comme apocryphes plu- sieurs livres que les catholiques romains regardent comme saints et sacrés, comme sont les livres de Tobie, de Judith, d'Esther, de Baruch, le Cantique des trois enfants dans la fournaise, l'histoire de Suzanne , et celle de VIdole de Bel, la Sapicnce de Salomon, VEcclè- siastique , le premier et le second livre des Machabées , auxquels livres incertains et douteux on pourrait encore en ajouter plu- sieurs que l'on attribuait aux autres apôtres, comme sont, par exemple, le Actes de saint Thomas, ses Circuits, son Evangile, et son Apocalypse; V Évangile de saint Barthélémy, celui de saint Mathias, celui de saint Jacques, celui de saint Pierre, et celui des apôtres* ; comme aussi les Gestes de saint Pierre, son livre de la Prédication, et celui de son Apocalypse; celui du Jugement, celui de VEnfance du Sauveur, et plusieurs autres de semblable farine, qui sont tous rejetés comme apocryphes par les catholiques romains, même par le pape Gélase et parles SS. PP. de la communion romaine.

Ce qui confirme d'autant plus qu'il n'y a aucun fondement de certitude touchant l'autorité que Ton prétend donner à ces livres, c'est que ceux qui en maintiennent la divinité sont obligés d'avouer qu'ils n'auraient aucune certitude pour les fixer si leur foi, disent-ils, ne les en assurait, et ne les obligeait absolument de le croire ainsi. Or, comme la foi n'est qu'un principe d'erreur et d'imposture, comment la foi, c'est-à-dire une créance aveugle, peat-elle rendre certains les livres qui sont eux-mêmes le fonde- ment de cette créance aveugle? Quelle pitié et quelle démence!

Mais voyons si ces livres portent en eux-mêmes quelque carac- tère particuher de vérité, comme par exemple d'érudition, de sagesse et de sainteté, ou de quelques autres perfections qui ne puissent convenir qu'à un Dieu, et si les miracles qui y sont cités s'accordent avec ce que l'on devrait penser de la grandeur, de la bonté, de la justice et de la sagesse infinie d'un Dieu tout-puis- sant.

Premièrement, on verra qu'il n'y a aucune érudition, aucune pensée sublime, ni aucune production qui passe les forces ordi- naires de l'esprit humain. Au contraire on n'y verra, d'un côté, que des narrations fabuleuses, comme sont celles de la formation de la femme tirée d'une côte de l'homme, du prétendu paradis terrestre, d'un serpent qui parlait, qui raisonnait, et qui était

i. Voyez la Collection d'anciens évangiles.

24. — MÉLANGES. III. 20

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