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ABRÉGÉ DE LA VIE DE JEAN MESLIER.

de France, sur laquelle on a tiré l’extrait suivant. Son ms. est adressé à M. Leroux, procureur et avocat en parlement, à Mézières[1].

Il est écrit à l’autre côté d’un gros papier gris qui sert d’enveloppe : « J’ai vu et reconnu les erreurs, les abus, les vanités, les folies, et les méchancetés des hommes ; je les ai haïs et détestés ; je ne l’ai osé dire pendant ma vie, mais je le dirai au moins en mourant et après ma mort ; et c’est afin qu’on le sache, que je fais et écris le présent Mémoire, afin qu’il puisse servir de témoignage de vérité à tous ceux qui le verront, et qui le liront si bon leur semble. »

On a aussi trouvé parmi les livres de ce curé un imprimé des Traités de M. de Fénelon, archevêque de Cambrai (Édit. de 1718), sur l’existence de Dieu et sur ses attributs[2], et les Réflexions du P. Tournemine, jésuite, sur l’athéisme[3] auxquels Traités il a mis ses notes en marge, signées de sa main.

Il avait écrit deux lettres aux curés de son voisinage pour leur faire part de ses Sentiments, etc. Il leur dit qu’il a consigné au greffe[4] de la justice de la paroisse une copie de son écrit, en 366 feuillets in-8o ; mais qu’il craint qu’on ne la supprime, suivant le mauvais usage établi d’empêcher que les simples ne soient instruits, et ne connaissent la vérité[5].

Il mourut en 1733, âgé de cinquante-cinq ans. On a cru que, dégoûté de la vie, il s’était exprès refusé les aliments nécessaires, parce qu’il ne voulut rien prendre, pas même un verre de vin.

Par son testament il a donné tout ce qu’il possédait, qui n’était pas considérable, à ses paroissiens, et il a prié qu’on l’enterrât dans son jardin.


  1. Des copies en furent prises, et Voltaire écrivait à Damilaville, le 8 février 1762, que, quinze ou vingt ans auparavant, on vendait ces manuscrits huit louis d’or.
  2. Œuvres philosophiques, ou Démonstration de l’existence de Dieu, 1718, in-12.
  3. Imprimées dans le volume cité en la note qui précède.
  4. De Sainte-Menehould. (Note de Voltaire.)
  5. On dit que M. Lebègue, grand-vicaire de Reims, s’est emparé de la troisième copie. (id.)