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basanés, barbus ou sans barbe, entiers ou cliàtrés, penser à jamais comme lui ! Et que les fanatiques, les superstitieux, les persécuteurs, deviennent hommes ! Élevons nos cœurs à l’Éternel !

Mes frères, il est temps de répandre des larmes sur nos trente-sept Israélites qu’on a brûlés dans l’acte de foi. Je ne dis pas qu’ils aient tous été brûlés à petit feu ; on nous mande qu’il y en a eu trois de fouettés jusqu’à la mort, et deux de renvoyés en prison : reste à trente-deux consumés par les flammes dans ce sacrifice des sauvages.

Quel était leur crime ? Point d’autre que celui d’être nés. Leurs pères les engendrèrent dans la religion que leurs aïeux ont professée depuis 5,000 ans. Ils sont nés Israélites; ils ont célébré le phase dans leurs caves; et voilà l’unique raison pour laquelle les Portugais les ont brûlés. Nous n’apprenons pas que tous nos frères aient été mangés après avoir été jetés dans le bûcher ; mais nous devons le présumer de deux jeunes garçons de quatorze ans qui étaient fort gras, et d’une fille de douze qui avait beaucoup d’embonpoint et qui était très-appétissante.

Croiriez-vous que tandis que les flammes dévoraient ces innocentes victimes, les inquisiteurs et les autres sauvages chantaient nos propres prières ? Le grand inquisiteur entonna lui-même le makib de notre bon roi David, qui commence par ces mots : « Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, selon votre grande miséricorde ! »

C’est ainsi que ces monstres impitoyables invoquaient le Dieu de la clémence et de la bonté, le Dieu pardonneur, en commettant le crime le plus atroce et le plus barbare, exerçant une cruauté que les démons dans leur rage ne voudraient pas exercer contre les démons leurs confrères. C’est ainsi que, par une contradiction aussi absurde que leur fureur est abominable, ils offrent à Dieu nos makibs (nos psaumes), ils empruntent notre religion même, en nous punissant d’être élevés dans notre religion. Élevons nos cœurs à l’Éternel !

(Ce qui précède peut être regardé comme le premier point du sermon prononcé par le rabbin Akib; ce qui suit, comme le second.]

tigres dévots ! panthères fanatiques ! qui avez un si grand mépris pour votre secte que vous pensez ne la pouvoir soutenir que par des bourreaux, si vous étiez capables de raison je vous interrogerais, je vous demanderais pourquoi vous nous immolez, nous qui sommes les pères de vos pères.