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276 ARISTE ET ACROTAL.

qu'il détruit de même. Ne sentez-vous pas que ce qui est juste, clair, évident, est éternellement respecté de tout le monde, et que des chimères ne peuvent pas toujours s'attirer la même vénération?

ACROTAL,

Laissons là les lois et les juges; ne songeons qu'aux philo- sophes : il est certain qu'ils ont dit autrefois autant de sottises que nous ; ainsi nous devons nous élever contre eux, quand ce ne serait que par jalousie de métier.

ARISTE.

Plusieurs ont dit des sottises, sans doute, puisqu'ils sont hommes ; mais leurs chimères n'ont jamais allumé de guerres civiles, et les vôtres en ont causé plus d'une.

ACROTAL.

Et c'est en quoi nous sommes admirables. Y a-t-il rien de plus beau que d'avoir troublé l'univers avec quelques arguments? Ne ressemblons-nous pas à ces anciens enchanteurs qui excitaient des tempêtes avec des paroles ? Nous serions les maîtres du monde, sans ces coquins de gens d'esprit.

ARISTE.

Eh bien! dites-leur, si vous voulez, qu'ils n'en ont point; prouvez-leur qu'ils raisonnent mal : ils vous ont donné des ridi- cules, que ne leur en donnez-vous? Mais je vous demande grâce pour ce pauvre disciple de Locke que vous vouliez faire brûler; monsieur le docteur, ne voyez-vous pas que cela n'est plus à la mode?

ACROTAL.

Vous avez raison ; il faut trouver quelque autre manière nou- velle d'imposer silence aux petits philosophes.

ARISTE.

Croyez-moi, gardez le silence vous-mêmes ; ne vous mêlez plus de raisonner; soyez honnêtes gens; soyez compatissants; ne cher- chez point à trouver le mal où il n'est pas, et il cessera d'être où il est.

��FIN DE L'ENTRETIEN.

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