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Ah, Moïse de Montauban ! vous n’aviez pas pris dans les Tables de la loi votre Prière du déiste[1], car elle n’y est pas. Cessez donc d’imputer des sentiments d’impiété à la nation, car vous avez ouvertement professé l’impiété.

Ce n’était pas ce que professait le professeur en droit votre grand’père, professant à Cahors : c’était un homme sage que ce professeur ; s’il vivait encore, il vous dirait : Mon fils, soyez modeste ; corrigez les vers de votre Didon, qui sont lâches, faibles, durs, secs, hérissés de solécismes.

Récitez les psaumes pénitentiaux, et ne les translatez point en vers plus durs et plus chargés d’épithètes que votre Didon. Ne soyez point hypocrite après avoir été impie, car c’est là le mal. Demandez pardon à l’Académie de l’avoir insultée, et surtout ennuyée, la seule fois que vous avez osé paraître devant elle. Ne donnez point de Mémoires au roi[2], car il ne les lira pas ; et n’imaginez point de les faire imprimer par ordre du roi, car le roi n’en donnera pas l’ordre ; ne soyez point délateur, car c’est un vilain métier ; ne faites point le grand seigneur, car vous êtes d’une bonne bourgeoisie ; ne cabalez plus pour être intrus dans l’éducation de nos princes, car, comme vous dites dans votre Épître à monseigneur le dauphin, elle ne sera pas confiée aux esprits gâtés, aux auteurs de la Prière du déiste, ni aux têtes chaudes qui ont l’esprit froid ; n’insultez point les gens de lettres, car ils vous diront des vérités.

Si vous présidez à la cour des aides de Cahors, ou à l’élection, ou au grenier à sel, n’imitez point ce juge de village dont parle Horace, qui portait le laticlave, et faisait parade de sa chaise curule : car on en rit.

Ne dites plus au roi, dans un libelle de supplique, qu’il traite ses sujets comme des esclaves, car alors ce n'est plus une supplique, et il ne reste que le libelle ; et lorsqu’on est coupable d’un libelle si insensé, on a beau faire sa cour au P. Desmarets, jésuite[3], le P. Desmarets jésuite ne vous fera jamais entrer dans le conseil : car il n’y entrera pas lui-même.



fin des car.



  1. Voyez la note, pages 112 et 131.
  2. Voyez page 112.
  3. Confesseur du roi.