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LETTRE

DE CHARLES GOUJU

À SES FRÈRES[1].



Je conjure non-seulement mes chers compatriotes, mais aussi tous mes chers frères les Allemands, les Anglais, et même les Italiens, de vouloir bien considérer avec moi, pour leur édification, ce qui se passe aujourd’hui au sujet des révérends pères jésuites.

Je suis cousin de M. Cazotte[2], et allié de M. Lioncy, que le révérend P. La Valette, préfet apostolique du commerce, a ruinés de fond en comble. Dieu fasse miséricorde à son préfet ! mais je demande à tout homme qui fait usage de sa raison, s’il est possible que le révérend P. La Valette, ayant fait deux années de théologie, ait cru à la religion chrétienne quand, après avoir fait vœu de pauvreté, et après avoir lu l’évangile, il a fait un commerce de plus de six millions ? Est-il dans la nature humaine qu’un théologien, qui croit la religion, se damne de gaieté de

  1. Tel est le titre d’une édition in-8o de douze pages et d’une édition in-12 de onze pages, qui toutes les deux sont très-bien exécutées. C’est aussi le titre conservé à cet opuscule dans toutes les éditions des Œuvres de Voltaire. Cependant J.-S. Ersch, dans sa France littéraire, III, 406, l’intitule Lettre de Charles Goujon ; c’est aussi le titre de Lettre de Charles Goujon que lui donne d’Hémery, inspecteur de la librairie, dans son rapport manuscrit, du 22 octobre 1761, au lieutenant général de police.

    C’est dans une lettre du 28 septembre, à d’Argental, que Voltaire parle pour la première fois de sa Lettre de Charles Gouju, composée pour prouver que les prêtres ne croient pas à la religion chrétienne. (B.)

  2. Voltaire et tous ses éditeurs ont écrit Casot ; mais j’ai sous les yeux le Mémoire pour le sieur Cazotte, commissaire général de la marine, et pour la demoiselle Fouque, contre le général et la société des jésuites. Jacques Cazotte, né à Dijon en 1720, auteur d’Olivier et autres ouvrages, fut condamné à mort et exécuté le 25 septembre 1793. L’édition originale de la Lettre de Charles Gouju porte Cazotte. (B.) — Sur Lioncy, voyez tome XVI, pages 100-101.