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l’ordre des lois[1]. L’ordre des convulsionnaires ayant déféré cet ouvrage à l’ordre de la grand’-chambre siégeante à Paris, icelle a décerné un ordre à son bourreau de brûler la consultation comme un mandement d’évêque ou comme un livre de jésuite. Je me flatte qu’elle fera le même honneur à la petite Conversation de M. l’intendant des menus en exercice et de M. l’abbé Grizel. Je fus présent à cette conversation : je l’ai fidèlement recueillie, et en voici un petit précis que chaque lecteur de l’ordre de ceux qui ont le sens commun peut étendre à son gré.

« Je suppose, disait l’intendant des menus à l’abbé Grizel, que nous n’eussions jamais entendu parler de comédie avant Louis XIV ; je suppose que ce prince eût été le premier qui eût donné des spectacles, qu’il eût fait composer Cinna, Athalie et le Misanthrope, qu’il les eût fait représenter par des seigneurs et des dames devant tous les ambassadeurs de l’Europe ; je demande s’il serait tombé dans l’esprit du curé La Chétardie[2], ou du curé Fantin[3] connus tous deux par les mêmes aventures, ou d’un seul autre curé, ou d’un seul habitué, ou d’un seul moine, d’excommunier ces seigneurs et ces dames, et Louis XIV lui-même ; de leur refuser le sacrement de mariage et la sépulture ?

— Non, sans doute, dit l’abbé Grizel ; une si absurde impertinence n’aurait passé par la tête de personne.

— Je vais plus loin, dit l’intendant des menus. Quand Louis XIV et toute sa cour dansèrent sur le théâtre, quand Louis XV dansa avec tant de jeunes seigneurs de son âge dans la salle des Tuileries, pensez-vous qu’ils aient été excommuniés ?

    justice : ce qui fut exécuté le même jour, dans la cour du palais, au pied du grand escalier d’icelui.


    Le discours de Me Dains a été imprimé dans le Journal encyclopédique du 15 mai 1761, pages 145-48.

    Les officiers de la maison du roi, qu’on appelait Intendants des menus, avaient le titre de : Intendants et contrôleurs généraux de l’argenterie, menus-plaisirs et affaires de la chambre du roi. Ils étaient, en 1761, au nombre de trois : Papillon de Fontpertuis, L’Escureul de La Touche, et Papillon de La Ferté. Aujourd’hui il n’y a plus qu’un Intendant du mobilier de la couronne ; mais l’appellation de menus-plaisirs est encore conservée dans le discours (B.)

    — Sur l’ordre des avocats, voyez tome XVI, page 73. Sur l’avocat Dains, voyez la note 2 de la page 507, tome XVII.

    Dans la lettre de Voltaire à Damilavilie, du 18 juillet 1762, on lit un passage qui peut être regardé comme un appendice à la Conversation de l’intendant des menus.

  1. L’ouvrage de cet avocat, entrepris en faveur du théâtre, et où il était beaucoup question d’ordre, fut déféré par maître Ledain, et incendié au bas de l’escalier. (Note de Voltaire.) — Cette note est de 1764. (B.)
  2. Curé des Invalides.
  3. Voyez tome IX, une des notes du chant XVIII de la Pucelle.