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DE BOILEAU, ET DE POPE. 227

que le personnage aurait dû en faire s'il parlait en vers : c'est là une partie des devoirs que tout auteur d'une tragédie doit rem- plir, sous peine de ne point réussir parmi nous ; et quand il s'est acquitté de tous ces devoirs, il n'a encore rien fait. Esther est une pièce qui remplit toutes ces conditions ; mais quand on l'a voulu jouer en public, on n'a pu en soutenir la représentation. Il faut tenir le cœur des hommes dans sa main ; il faut arracher des larmes aux spectateurs les plus insensibles ; il faut déchirer les âmes les plus dures. Sans la terreur et sans la pitié, point de tra- gédie ; et quand vous auriez excité cette pitié et cette terreur, si avec ces avantages vous avez manqué aux autres lois, si vos vers ne sont pas excellents, vous n'êtes qu'un médiocre écrivain qui avez traité selon les règles un sujet heureux.

Qu'une tragédie est difficile! et qu'une épître, une satire, sont aisées! Comment donc oser mettre dans le même rang un Racine et un Despréaux! Quoi ! on estimerait autant un peintre de por- trait qu'un Raphaël ? Quoi ! une tête de Rembrandt sera égale au tableau de la Transfiguration, ou à celui des noces de Cana?

Nous savons que les Epitres de Despréaux sont belles, qu'elles posent sur le fondement de la vérité, sans laquelle rien n'est sup- portable; mais, pour les Épîtres de Rousseau, quel faux dans les sujets et quelles contorsions dans le style! Qu'elles excitent sou- vent le dégoût et l'indignation! Que veut dire une ÉpUre à Marot dans laquelle il veut prouver qu'il n'y a que les sots qui soient méchants? Que ce paradoxe est ridicule!

Sylla, Catilina, César, Tibère, Néron même, étaient-ils des sots? Le fameux duc de Borgia était-il un sot? Et avons-nous besoin d'aller chercher des exemples dans l'histoire ancienne? Peut-on d'ailleurs souffrir la manière dure et contrainte dont cette idée fausse est exprimée?

Et si parfois on vous dit qu'un vaurien A de l'esprit, examinez-le bien : Vous trouverez qu'il n'en a que le casque. Et qu'en effet c'est un sot sous le masque.

Le casque de l'esprit. Bon Dieu ! est-ce ainsi que Despréaux écrivait ? Comment souffrir le langage de l'épître à M. le duc de Noailles, qu'il baptisa, dans ses dernières éditions , d'Épître à M. le comte

de ***?

Jaçoit qu'en vous gloire et haute naissance Soit alliée à titres et puissance,

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