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214 APPEL A TOUTES LES NATIONS

pétuellement, congé et licence de faire jouer quelque mystère que ce soit, ou de ladite passion, ou résurrection, ou autre quel- conque des saints et saintes qu'ils voudront élire et mettre sus, soit devant le roi, soit devant commun, tant en records (c'est-à- dire musique) qu'autrement ».

Les confrères achetèrent depuis une place près de l'ancien palais des ducs de Bourgogne, et y firent bâtir un théâtre spacieux en 15Z(8, théâtre subsistant aujourd'hui, occupé par les comé- diens nommés Italiens ^ Nous ne suivrons pas plus loin l'histoire de ce théâtre de l'hôtel de Bourgogne, laquelle se trouve dans plusieurs ouvrages. Voyons ce que c'était que ces comédiens ou tragédiens de la Passion.

On croit communément que ces pièces étaient des turpitudes, des plaisanteries indécentes sur les mystères de notre sainte reli- gion, sur la naissance d'un dieu dans une étable, sur le bœuf et sur l'âne, sur l'étoile des trois rois, sur ces trois rois mêmes, sur la jalousie de Joseph, etc. On en juge par nos noëls, qui sont en effet des plaisanteries, aussi comiques que blâmables, sur tous ces événements ineffables ; il n'y a presque personne qui n'ait entendu répéter les vers par lesquels on prétend qu'une de ces tragédies de la Passion commence :

Matthieu? — Plaît-il, Dieu?

— Prends ton épieu.

— Prendrai-je aussi monépée?

— Oui, et suis-moi en Galilée 2.

11 n'y a pas un mot de tout cela dans les pièces des mystères qui sont venues jusqu'à nous. Ces ouvrages étaient la plupart très- graves ; on n'y pouvait reprendre que la grossièreté de la langue qu'on parlait alors. C'était la sainte Écriture eu dialogues et en

��1. Il était situé rue Mauconseil; il a été abandonné en 1783.

2. Ce n'est pas tout à fait le texte de ces vers que Baylc cite d'après d'Assouci (remarque G de l'article d'Assouci), et sur lesquels on trouve des observations dans le Ducatiana, page 476. Dans l'édition de 170i, Voltaire ajouta ici :

(( Ou ci-oit que, dans la tragédie de la Résurrection, un ange parle ainsi à Dieu le père :

« Père éternel, vous avez tort,

« Et devriez avoir vcrgoj,'nc :

« Votre fils bien-aimé est mort,

« Et vous dorinoz comme un yvrogne.

« — II est mort? — Oui, d'homme de bien.

« — Diable emporte qui eu savait rien ! »

<i II n'y a pas un mot, etc. »

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