Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/223

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE L'EUROPE. 213

spectacles sublimes, dont on retrouve encore quelques faibles traces dans des fragments épars de l'antiquité.

Chez les Romains, la comédie fut admise après la première guerre punique pour accomplir un vœu, pour détourner la con- tagion, pour apaiser les dieux, comme le dit Tite-Live au livre VII. Ce fut un acte très-solennel de religion. Les pièces de Livius Andronicus furent une partie de la cérémonie sainte des jeux séculaires. Jamais de théâtre sans simulacres des dieux et sans autels.

Les chrétiens eurent la même horreur que les Juifs pour les cérémonies païennes. Les premiers Pères de l'Église vouluren^ séparer en tout les chrétiens des Gentils; ils crièrent contre les spectacles. Le théâtre, séjour des antiques divinités subal- ternes, leur parut l'empire du diable ^ Mais saint Grégoire de Nazianze institua un théâtre chrétien, comme nous l'apprend Sozomène;un saint Apollinaire en fit autant, c'est encore Sozo- mène qui nous eninstruitdans l'Histoire ecclésiastique. L'Ancien et le Nouveau Testament furent les sujets de ces pièces ; et il y a très- grande apparence que la tradition de ces ouvrages de théâtre fut l'origine des mystères qu'on joua quelque temps après dans pres- que toute l'Europe.

Castelverro certifie, dans sa poétique, que la Passion de Jésus-Christ était jouée de temps immémorial dans toute l'Italie. Nous imitâmes ces représentations des Italiens, de qui nous tenons tout, et nous les imitâmes assez tard, ainsi que nous avons fait dans presque tous les arts de l'esprit et de la main.

Nous ne commençâmes ces exercices qu'au xiv« siècle; les bourgeois de Paris firent leurs premiers essais à Saint-Maur. On joua les mystères à l'entrée de Charles VI à Paris, l'an 1380 - ; on les joua à l'entrée de la reine Isabelle de Bavière, en 1386 ; et le roi, en 1402, donna des lettres patentes à la confrérie de la Passion, par lesquelles u il leur accorde pour toujours, et per-

��« C'est ainsi qu'il est parlé de ces spectacles sublimes dans plusieurs fragments épars de l'antiquité recueillis par Stobée. »

Cette rédaction est excellente; mais je pense qu'elle est de M. Decroix, et non de Voltaire. (B.)

1. Dans les éditions de 1704 et suivantes, on lit : « l'empire du diable.

TertuUien l'Africain dit, dans son livre des Spectacles, que le diable élève les acteurs sur des brodequins pour donner un démenti à Jésus-Christ, qui assure que personne ne peut ajouter une coudée à sa taille. Saint Grégoire de Nazianze institua, etc. »

2. La fin de cet alinéa et le suivant tout entier ont été supprimés dans l'édi- tion de 1764.

�� �