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206 APPEL A TOUTES LES NATIONS

mer le mariage. Les gens peu instruits croiraient, par tout ce qui s'est passé, que cette cérémonie va se faire sur le théâtre. Mais la décente Monime se contente de dire au nouveau marié de venir frapper trois coups à la porte de son appartement quand toute la maison sera bien endormie.

Le frère Polidore entend ce propos, et, ne sachant pas que son frère Gastalio est le mari de Monime, il prend son parti de le pré- venir, et d'aller vite s'emparer des prémices de Monime. Il s'a- dresse au petit fripon de page, lui promet des sucreries et de l'argent s'il veut amuser son frère Gastalio une partie de la nuit : le page fait hien sa commission, il parle à Gastalio de l'amour de Monime, de ses jarretières, de sa gorge ; il veut lui chanter une chanson. Il lui fait perdre son temps,

Polidore n'a pas perdu le sien ; il est allé à la porte de Monime, il a frappé les trois petits coups, la servante lui a ouvert, et le voilà couché avec la femme de son frère .

Enfin Gastalio arrive à cette porte, et frappe les trois coups ; la servante, qui aurait dû le reconnaître à la voix, et reconnaître aussi l'autre, ne s'avise seulement pas de craindre de se mépren- dre : elle croit que le faux mari qui se présente est Polidore, et que c'est le vrai mari Gastalio qui est au lit ; elle le renvoie, lui dit qu'il est un extravagant; il a beau se nommer, on lui ferme la porte au nez ; il est traité par la suivante comme Amphitryon par Sosies

Polidore, ayant joui à son aise du fruit de sa supercherie, apparemment sans dire mot, a laissé là sa conquête et s'est allé reposer. Gastalio, à qui on n'a point ouvert, se désespère, entre en fureur, se roule sur le plancher, dit des injures à tout le sexe, et conclut que depuis Eve, qui devint amoureuse du diable, et damna le genre humain, les femmes ont été la cause de tous les malheurs.

Monime, qui s'est levée en hâte pour retrouver son cher Gas- talio, avec qui elle croit avoir passé quelques doux moments, le rencontre, et veut l'embrasser; il la traite de scélérate, et la traîne par les cheveux hors du théâtre-.

M. Ghamont, se souvenant toujours de son rêve et de sa vieille sorcière, vient gravement demander à sa sœur des nouvelles de la consommation de son mariage. La pauvre femme lui avoue

��1. Amphitryon, acte III, sccnc ii.

2. Kn 1701, on lisait Iwrs de la salle. Ce l'ut en HUi que Voltaire mil hors du théâtre. (B.)

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