Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour avoir empoisonné son frère, épousé la veuve, et usurpé la couronne. Il se met à genoux et fait une courte prière, qui vaudra ce qu’elle pourra, Ilamlet a d’abord envie de prendre ce temps- là pour le tuer; mais, faisant réflexion que le roi Claudius est eu état de grâce, puisqu’il prie Dieu, il se donne bien de garde de l’assassiner dans cette circonstance. « Que je serais sot ! dit-il ; je l’enverrais droit au ciel, au lieu qu’il a envoyé mon père en purgatoire. Allons, mon épée, attends, pour passer au travers de son corps, qu’il soit ivre, ou qu’il joue, et qu’il jure ; ou qu’il soit couché avec quelque incestueuse; ou qu’il fasse quelque autre action qui n’ait pas l’air d’opérer son salut : alors tombe sur lui, qu’il donne du talon au ciel, que son âme soit damnée, et noire comme l’enfer où il descendra! » C’est encore là un morceau que les guillemets de Pope nous ordonnent d’admirer.

Hamlet, ayant donc différé le meurtre du roi Claudius dans l’intention de le damner, vient parler à sa mère, et lui fait, au milieu de ses propos insensés, des reproches accablants, qu’elle ressent jusqu’au fond du cœur. Le vieux chambellan Polonius craint que les choses n’aillent trop loin ; il crie au secours derrière la tapisserie. Hamlet ne doute pas que ce ne soit le roi qui s’est caché là pour l’entendre: « Ah! ma mère, s’écrie-t-il, il y a un gros rat derrière la tapisserie! » Il tire son épée, court au rat, et tue le bonhomme Polonius, « Ah! mon fils, que fais-tu? — Ma mère, est-ce le roi que j’ai tué? C’est une vilaine action de tuer un roi; et presque aussi vilaine, ma bonne mère, que de tuer un roi et de coucher avec son frère, » Cette conversation dure très- longtemps, et Hamlet, en s’en allant, marche sans y penser sur le corps du vieux chambellan, et est prêt de tomber.

Le bonhomme milord chambellan était un vieux fou, et donné pour tel, comme on l’a déjà vu. Sa fille Ophélie, qui -apparemment avait des dispositions au même tour d’esprit, devient folle à lier quand elle apprend la mort de son père : elle accourt avec des fleurs et de la paille sur sa tête, chante des vaudevilles, et va se noyers

On la repêche, et on se dispose à l’enterrer. Cependant le roi Claudius a fait embarquer le prince pour l’Angleterre : déjà Hamlet était dans le vaisseau, et il se doutait qu’on l’envoyait à Londres pour lui jouer quelque mauvais tour; il prend dans la

1. Kn 17(i’t, rfuitcur ;ijonl;i ci’s mots : « Ainsi voilà trois fous dans la pièce, le chambellan, sa fille, et Hamlet, sans compter les autres bouffons qui jouent leurs rôles.

’( On repêche Ophélie etc. »