Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

476 LETTRES

Si tu méprises si fort les grands et les petits, un seigneur d'une figure aussi distinguée que la tienne, un homme couru de toutes les belles, devrait au moins épargner nos dames, Non ; elles ne sont pas si maigres ni si tannées que tu le dis. Les dames du pays de Vaud leur sont infiniment supérieures, nous le savons ; mais il reste encore quelques grûces à nos Parisiennes. Tes beaux yeux n'ont pas tourné sur elles de favorables regards. Quoi ! illustre amant de Julie, tu leur trouves le maintien soldatesque et le ton grenadier, depuis le faubourg Saint-Germain jusqu'aux halles! vous, charmantes et respectables beautés! qui peut-être portez dans .vos cœurs les sentiments les plus tendres, mais qui portez sur vos visages enchanteurs les traits de la modestie ; vous dont la voix est aussi douce que les regards de vos yeux: vous seriez- vous attendues que le plus brillant seigneur que nous ayons jamais eu à Paris ne trouverait, dans vos viaigres visages, que des faces de grenadiers? Ah! si quelque véritable grenadier appre- nait!.,. Mais non, il ne faut pas se fâcher contre Jean-Jacques,

Que dis-je? hélas! on ne va se fâcher que trop; cachez-vous vite, ou partez. Pauvre malheureux! comment vous est-il échappé de dire qu'il y a vingt à parier contre un qu'un gentilhomme descend d'un fripon? Ne savez-vous pas qu'un Montmorency ^ qui a l'hon- neur de vous loger, est un assez bon gentilhomme?

Nous avouons que votre père, qui porta un mois le mousquet, comme vous le dites, sous le général Saconnay, allait de pair avec les Montmorency, les Soubise, les Bouillon, les Chàtillon, les Choiseul,les Tonnerre, les Beauvau, etc. Mais plus on est grand, mon ami, et plus il faut être modeste; ayant surtout quitté votre patrie où vous avez joué un si grand rôle, étant devenu si à la mode parmi nous et nous faisant l'honneur d'être depuis si long- temps notre compatriote, vous auriez dû ne pas dire que la noblesse d' Angleterre est la plus brave de l'Europe; un gentilhomme tel que vous doit sentir que c'est là un point bien délicat. Vous savez que le roi a plus de noblesse dans ses armées que l'Angleterre n'a de soldats en Allemagne; je serais fùché qu'il se trouvât quelque garde de Sa Majesté (jui prît vos expressions à la lettre.

Si Jean-Jacques attaque la noblesse, il était de la prudence d'un philosophe tel que lui de ménager la robe; mais il s'en va, mal à propos, attaquer un arrêt du parlement de l^aris. Il trouve mauvais qu'on ait cassé un mariage qui n'était point fait selon

��1. Charles-François-Frédéric de Montmorency-Luxembourg, né en 1702, mort on 1704, chez qui Rousseau demeura qticlque temps à Montmorency.

�� �