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À MONSIEUR
LE LIEUTENANT CRIMINEL
DU PAYS DE GEX
ET AUX JUGES QUI DOIVENT PRONONCER AVEC LUI EN PREMIÈRE INSTANCE[1].


Monsieur,

Je demande vengeance du sang de mon fils : toute la province crie qu’on fasse justice. J’ignore les formalités des lois ; vous daignerez suppléer à mon ignorance. Mon fils unique est entre la vie et la mort ; il ne peut s’expliquer, et je n’ai presque que mes larmes pour me plaindre à vous. Tout ce que je sais certainement, par les rapports unanimes qui m’ont été faits, c’est que mon fils a été assassiné, le 28 de décembre dernier, entre dix heures et demie et onze heures de nuit, par le curé de Moëns, nommé Ancian, au village de Magny ; que le curé porta lui-même les premiers coups, qu’il fut secondé par plusieurs paysans apostés par lui-même, et qu’on me rapporta mon fils tout sanglant, sans pouls, sans connaissance, sans parole, état où il est encore.

Que puis-je faire dans ma juste douleur (moi qui n’étais point présent à cet assassinat), que de vous supplier, monsieur, d’in-

  1. Les éditeurs de Kehl ont imprimé cette requête, rédigée probablement par M. de Voltaire, disent-ils, à la suite de la lettre à l’avocat Arnoult, du 5 juin 1761.

    Ancian, curé de Moëns, contre lequel Voltaire avait écrit à l’évêque d’Annecy, le 13 décembre 1759 (voyez la Correspondance), en fut, en 1761, quitte, grâce à Voltaire (voyez sa lettre à l’évêque d’Annecy, du 29 avril 1768), pour quinze cents francs de dommages-intérêts et les frais. Mais, en 1768, il eut un second procès criminel, et fut (voyez la note des éditeurs de Kehl sur la lettre à Arnoult du 6 juillet 1761) condamné aux galères, par arrêt du parlement de Bourgogne. (B.)