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A M. KIRKEF. i:i3

contre nous-mêmes. Le P. Ganaye disait : Point de raison; et moi, je dis : Point de dispute, point d'insolence^.

On dit qu'autrefois nous nous sommes laissé emporter à l'ambition, à la haine, à l'avarice, à la vengeance; que nous avons disputé aux princes leur juridiction ; que nous avons troublé les États, que nous avons répandu le sang : ne tombons plus dans ces horribles excès ; convenons que l'Église est dans l'État, et non TÉtat dans TÉglise. Obéissons aux princes comme tous les autres sujets. Ce sont nos scandales encore plus que nos dogmes qui nous ont fait tant d'ennemis. On ne s'élève contre les lois et contre les fonctions des magistrats dans aucun pays de la terre. Si on s'est élevé contre nous dans tous les temps et dans tous les lieux, à qui en est la faute?

L'humilité, le silence et la prière, doivent être nos seules armes.

Les savants ne croient pas certaines assertions (ni nous non plus). Eh bien, les croiront-ils davantage quand nous les outra- gerons? Les Chinois, les Japonais, les Siamois, les Indiens, les Tartares, les Turcs, les Persans, les Africains, ne croient pas en nous ; irons-nous pour cela les traiter tous les jours de perturba- teurs du repos de l'État, de mauvais citoyens, d'ennemis de Dieu et des hommes? Pourquoi ne disons-nous point d'injures à toutes' ces nations, et outrageons-nous un Allemand, un Anglais, qui ne pensent pas comme nous? Pourquoi tremblons-nous respectueu- sement devant un souverain qui nous méprise, et déclamons- nous si fièrement contre un particulier sans crédit, que nous soupçonnons de ne pas nous estimer assez?

Cette rage de vouloir dominer sur les esprits doit être bien confondue. Je vois que chaque effort que nous faisons pour nous relever sert à nous abattre. Laissons en repos les puissants du monde et les hommes instruits , afin qu'ils nous y laissent ; vivons en paix avec ceux que nous ne subjuguerons jamais, et qui peuvent nous décrier. Réprimons surtout la hauteur et l'em- portement, qui conviennent si mal et qui réussissent si peu.

Vous connaissez le pasteur Durnol ; c'est un bon homme au fond, mais il est fort colérique. Il expliquait un jour le Pcnta- teuque aux enfants, et il en était à l'article de l'âne de Balaam : un jeune garçon se mit à rire, M. Durnol fut indigné; il cria, il menaça, il prouva que les ânes pouvaient parler très-bien, surtout quand ils voyaient devant eux un ange armé d'une épée : le petit

��1. Voyez la note 4, lome XXIII, page 564.

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