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ET HONNÊTE. 145

Qu'il consulte Albedavi, il verra qu'Islam veut dire se résignant soi-même. Il a beau dire qu'Islam signifie salut, parce que sala- malcch est la salutation des Turcs. Avec quels Turcs a-t-il donc vécu? Il faut que ce soit avec des Turcs de bien mauvaise com- pagnie. Quoi! à.Q salutation, révérence, viendrait le salut éternel, l'islamisme ! Cette fade équivoque n'est supportable que dans notre langue. L'arabe n'admet point de tels jeux de mots; c'est une langue grave, sérieuse, énergique. Oh! la belle chose que la langue arabe !

VIII. Notre Scaliger turc m'intente un procès bien juste et bien intéressant pour savoir s'il faut dire le Koran, ou VAlcoran ^ ; mais il sait que l'article al signifie le, et que ce n'est que l'igno- rance de la langue arabe qui a fait confondre ce le avec son substantif. S'il consulte le chapitre xii, intitulé /o5<'y)/î, il verra ces mots : u Nous te rapportons une excellente histoire dans ce Koran », c'est-à-dire dans cette lecture que Mahomet faisait du chapitre xii. Koran signifiait donc lecture; et c'est ce que dit expressément Albedavi : ce mot vient de karaa, qui signifie lire. Mahomet ne dit pas dans cet Alcoran, il dit dans ce Koran. Je suis honteux d'être si fort en arabe; mais savez-vous l'arabe, vous qui parlez ?

IX. Voici une grande dispute. Mon maître veut absolument que Mahomet ne sût ni lire ni écrire ; je ne l'aurais pas choisi pour mon facteur en Syrie, s'il avait été si ignorant. Je sais bien qu'il s'appelle lui-même le proplùte non lettré dans le chapitre vu; mais je prie mon critique d'observer que ce chapitre vu est plein d'érudition : qu'il le lise, il sera obligé de convenir, à sa honte, que Mahomet était un homme savant et modeste. Mais que dira-t-il quand il apprendra que Mahomet était un poëte, et que son Koran ou son Alcoran est écrit en vers ? Ne sait-il pas que les poètes de la Mecque affichaient leurs poésies à la porte du temple de la Mecque, p.t que Labid, fils de Rabia, le meilleur poëte sans contredit des Mecquois, ayant vu le second chapitre du Koran ou Alcoran que Mahomet avait affiché, se jeta à ses genoux, et lui dit: « Mahomet! ou Mohammed, fils d'Abdalla, fils de Mou- taleb, fils d'Achem, vous êtes plus grand poëte que moi ! Vous êtes sans doute le prophète de Dieu. »

Je ne suis, je l'avoue, ni aussi savant, ni aussi bon poète que Labid, fils de Rabia; mais je me jette aux pieds de mon savant

1. Voyez, tome XVII, page 98, l'article Alcoran; et, page 381, l'article Arot et Marot.

24. — MÉLANGES III. 10

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