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DIALOGUES CIIRTlTIENS. 13;i

(le la tolérance qui vous a séparés de nous, et qui s'oppose aux progrès de votre religion. Ah ! si, comme nous, vous brûliez, vous envoyiez à la potence, aux galères, il y aurait un peu plus de foi parmi vous autres, et Ton ne vous reprocherait pas de tomber dans le relâchement.

Vous me direz peut-être que notre zèle s'est bien ralenti, et que si nous n'avions pas les billets de confession*, on ne distin- guerait plus notre religion de la vôtre ; mais laissez faire les jan- sénistes et les auteurs dn. Journal dirétien.

LE MINISTRE.

Il est vrai que nos idées sont différentes sur les moyens d'étendre la foi ; mais nous avons eu quelques-uns de ces mo- ments brillants que vous regrettez, et le supplice de Servet doit exciter votre admiration et votre envie. La corruption des mœurs met des entraves à notre zèle ; mais je réponds de moi et de mes confrères, et si l'autorité séculière voulait sconder le zèle ecclé- siastique, nous offririons de bon cœur sur le même bûcher un sacrifice à Dieu, dont l'odeur lui serait certainement bien agréable.

LE PRÊTRE.

Je suis enchanté de ce que vous me dites, et je vois que nous ne différons que par la conduite, et non par les intentions. Puis- que nous pensons de même, exterminons donc les philosophes : tout est permis contre eux; supposons-leur des crimes, des blas- phèmes; déférons-les au gouvernement comme ennemis de la religion et de l'autorité; excitons les magistrats à les punir, en y intéressant leur salut; et s"ils se refusent à nos pieux desseins, flétrissons les encyclopédistes dans nos écrits, anathématisons-les dans la chaire, et poursuivons-les sans relâche.

LE MINISTRE.

Je le veux bien, et je crois même que notre union secrète produira un très-bon effet ; ce pieux syncrétisme ne sera point soupçonné du public, qui, voyant les deux partis acharnés contre ces gens-là, ne manquera pas de les croire très-criminels : mais cependant que gagnerons-nous à tout cela? Je vous avoue que j'aime bien à décrier ceux qui attaquent la religion et ses mi- nistres; mais si l'on gagnait davantage à les louer, cela devien- drait embarrassant. Nous autres ministres protestants, nous sommes mariés, nos bénéfices sont des plus minces, et nous nous

1. Sur les billets de confession, voyez tome XV, le ch. xsxvi du Précis du Siècle de Louis XV; tome X\l, pages 77 et suiv.; tome XVIII, page 230j et dans le présent volume, page 19.

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